Du 22 octobre au 23 novembre 2018 : Navigation de Rapa - Polynésie Française à Puerto Montt - Chili (3577 milles)
Ca y est, nous sommes sur le départ pour la traversée vers le Chili. Il est 07h00 du matin et nous nous apprêtons à relever le mouillage de Brindacier.

Robin prêt à remonter le mouillage

Le bateau assurant la navette pour emmener les enfant de Area vers l'école du village principal fait un petit crochet pour venir nous saluer. Les jeunes se ruent tous du même côté de la navette. Ce qui à pour effet de lui donner un peu de gîte sur tribord; c'est marrant. Un grand au-revoir à tous ces enfants pleins de joie de et de bonne humeur. Toute cette marmaille présage d'un bel avenir humain a Rapa.

Au-revoir les enfants

Et nous voila en pleine action. Le guindeau commence à remonter la chaîne "Vrrrrrrrr" jusqu'à "chtoung"... Mince, coincé sous une patate de corail... Quelques manoeuvres au moteur et hop c'est décoincé.
Comme aux Tuamotu, nous avions mis des bouées le long de la chaîne pour éviter que celle-ci ne rague trop sur le corail. Mais bien que d'habitude cela fonctionne parfaitement, ce coup-là, bonjour les noeuds.
D'autant plus que nous avions oringué (pour la première fois) pour assurer le décrochage de l'ancre en cas de blocage dans des rochers et pour mieux repérer où se trouvait l'ancre.
Quelle horreur !!! Un enchevêtrement méli-mélo de chaîne/bout/orin/bouées, voilà ce que nous avons remonté !!!! Mais ca tenait bien au fond de l'eau, on n'a jamais dérapé ! Enfin tout est bien qui finit bien car avec un peu de patience, tout est rentré dans l'ordre.

Un peu de tricot ...

La chaîne a retrouvé sa place au fond de la baille à mouillage, démanillée de l'ancre. D'une part, cela nous permet de sécuriser la chaine au fond de la baille. Ainsi, elle ne pourrait pas se dérouler en cas de retournement du bateau (touchons du bois pour que cela n'arrive pas ...). D'autre part, nous pouvons ainsi boucher l'écubier avec un bouchon étanche (bouchon en liège enfoncé dans l'écubier et siliconé).
Ensuite l'ancre est sévèrement capelée sur le davier. Nous aurions bien aimé la mettre à l'intérieur, au pied de l'épontille, pour libérer le davier et centrer les poids mais nous avons préféré rentrer le moteur HB de l'annexe à la place. Il faut dire que notre davier, le balcon avant ainsi que la forme de la Rocna avec son arceau sont bien adaptés pour s'associer fermement.

Un dernier au-revoir à la baleinière de Rapa qui s'approche de nous avec quelques hommes à bord. Ils sont équipés d'un fusil. Ils partent à la chasse à la vache ou au taureau de l'autre côté de l'ile. Ha. Ok !!! NANA (bye bye en polynésien) nous crient-ils.

Au-revoir Rapa

10 noeuds de vent et 3m de houle. Nickel, c'est le bon moment pour porter un toast à la mer, au vent, à Brindacier et à nos amis et famille avec un p'tit coup de Rhum agricole de Tahaa.

Le toast du départ


Cette traversée, nous l'appréhendons mais nous nous sentons prêts. Nous l'appréhendons car sous ces latitudes, nous nous exposons d'avantage aux coups de vent et aux mers fortes par rapport à que ce que nous avions fait jusque-là sous les alizées. Mais nous nous sentons prêts car le bateau est bien préparé et psychologiquement nous le sommes aussi.

Les premiers jours nous rencontrons un temps de demoisselle et un peu de houle. Nous n'hésitons pas à mettre en route notre beau moteur Yanmar car il est là, il est beaue et il est quasi neuf. Alors autant qu'il serve !!!
Seul bémol à cette navigation paisible, nous ne parvenons pas à capter la météo avec la BLU via WINLINK (mail radio-amateur). C'est ennuyeux car même si nous savons que nous n'allons pas assez vite pour éviter les dépressions, si nous le savons suffisament à l'avance, nous pouvons nous éloigner du centre de celle-ci et anticiper les réductions de voilures et autres.

Nous aimons avoir la météo à bord et ne pas la recevoir les premiers jours est ennuyeux. Heureusement, Sandrine Opérateur et Chef radio du bord (entre autres ...) a de la ressource. Si WINLINK ne fonctionne pas, nous avons la possibilité de recevoir les fichiers gribs via SAILMAIL (BLU pour les non radio-amateur). Et comme une redondance ne nous suffit pas, nous avons encore la possibilité de recevoir la météo avec notre téléphone satellite Iridum,spécialement activé pour notre trajet de retour jusqu'en France.
L'avantage de WINLINK, c'est la gratuité et la durée de connexion par jour que nous avons. Finalement, après quelques utilisations de SAILMAIL, nous nous sommes aperçu que le popblème venait de WINLINK et que les fichiers météo arrivaient bien mais avec 24h de retard. Au bout de 3 jours le problème était réglé par WINLINK. Sandrine : maîtrise totale de la réception de la
météo à bord !!!

Sandrine à la radio

Dès le troisième jour, le vent commence à monter en puissance. Après 24h de GV haute et génois, nous passons à GV 2 ris et trinquette.
Brindacier se comporte à merveille. Contrairement à notre habitude lors des traversées précédentes, nous n'avons pas mis en service le régulateur d'allure. Celui-ci est à poste bien sûr mais pour l'intant, nous n'utilisons que le pilote automatique hydraulique.
Ce changement est du à la mise en service d'un hydrogénérateur type Aquagen 4. Nous avons récupéré plusieurs morceaux d'hydrogénérateur à droite à gauche à Tahiti avant de partir et reconstitué un appareil presque neuf (un grand merci à Nico et Valérie de l'Ivresse). A partir de 5 noeuds de vitesse, nous étalons la consommation électrique du pilote. Alors pourquoi s'en priver ... 

Lancer du poisson de l'hydrogénérateur tiré derrière Brindacier

    

Seul petit défaut, l'hydrogénérateur est branché sur le même régulateur que l'éolienne. Par conséquent, nous devons utiliser soit l'un soit l'autre et bien penser à faire les manipulations de passage de l'un à l'autre dans l'ordre. C'est à dire :
- De l'éolienne à l'hydro : Arrêter l'éolienne (un peu d'équilibrisme dans le portique avec une houle de 5 mètres ...), dans le coffre arrière tribord, avec la frontale, débrancher les fils électriques de l'éolienne (le plus et le moins) et y brancher à la place ceux de l'hydro, attacher le poisson à l'hydro et le larguer.
- De l'hydro à l'éolienne : Remonter le poisson de l'hydro avec les gants (attention quand Brindacier file plus de 6 noeuds ...), dans le coffre arrière tribord, avec la frontale, débrancher les fils électriques de l'hydro (le plus et le moins) et y brancher à la place ceux de l'éolienne, libérer les pales de l'éolienne (encore un peu d'équilibrisme dans le portique ...).
C'est dommage de devoir choisir entre les deux sources d'électricité mais nous n'avons pas eu le temps de nous procurer un second régulateur avec dissipation d'énergie, modèle indispensable pour les éoliennes et les hydrogénérateurs.

Sandrine en équilibre dans le portique pour libérer l'éolienne (aïe aïe aïe, l'antenne Wifi apprécie moyennement) ...

A part un petit coup de vent très raisonnable, cette première semaine se fait en plein coeur d'un anticyclone. Les vents sont contraires, entre 10 et 15 noeuds et nous contraignent à tirer des bords. Impossible de faire route directe. Le cap à faire est  de 120° et le vent vient de l'Est-Sud-Est. Donc vous comprenez le malaise !
Mais il fait beau, le soleil est là tous les jours et la température est agréable. L'après-midi, nous sommes en tee-shirt dans le cockpit et la vie à bord se déroule comme au mouillage. Parfois, nous mettons le moteur en marche lorsque la vitesse descend en-dessous de 1 noeuds.

Qui a dit qu'il allait faire froid ?!?

Lors d'une grosse journée de pluie cumulée à l'allure de près dans une mer un peu plus formée que d'habitude, nous effectuons une analyse de toutes les petites fuites d'eau à l'intérieur.
Tout d'abord, l'écubier n'est pas étanche à 100% et il faut syphonner la baille à mouillage 2 fois par jour pour en sortir environ 4 litres d'eau de mer au total. Le problème est résolu en ajoutant un joint de silicone autour du bouchon en liège.

Ensuite, le hublot du carré est doté d'une aération ayant été modifiée pour servir de cheminée à l'ancien poële du bord. De l'eau rentre par cette cheminée. Qu'à cela ne tienne, le lendemain par beau temps, nous confectionons une petite contre-plaque en forex montée au silicone par l'intérieur du hublot. Nous ne verrons plus jamais une goutte d'eau s'infiltrer par ici !!! Nous améliorerons le système pour permettre à nouveau la ventilation plus tard, quand nous serons au mouillage.

Enfin, le hublot de la cabine avant a une toute petite fuite par la poignée. Le problème est réglé avec encore un peu de silicone (c'est magique !!!).
Le reste du temps (et il en reste beaucoup), nous lisons, mangeons et jouons au Yam's. A ce jeu, un jour Robin écrase Sandrine, le lendemain c'est l'inverse. Donc au final nous sommes toujours contents.

Séance anti-fuite

    

    

Le bilan de cette première semaine est de seulement 631 milles parcourus sur la route, mais essentiellement sous le soleil, en plein anticyclone. Nous calculons qu'à ce rythme, il faudrait 1 mois et demi pour arriver. Mais vu le confort et le plaisir d'être en mer dans ces conditions, cela nous irait volontiers. Alors descendre plein sud ou pas, telle est la question que nous nous posons devant la météo à venir ...

La deuxième semaine ressemble à la première. Toujours cet anticylone sur nous ! Pendant 3 jours la pression atmosphérique varie entre 1025 et 1030 hPa. Alors les journées sont douces et calmes. Lorsque nous sommes de quart la nuit, nous faisons notre "tour d'horizon" une fois par heure au lieu de une fois toutes les trentes minutes comme lors de la transpacifique aller. Parfois lorsque c'est la pétole totale, les voiles sont ferlées, la barre est amarrée dans l'axe et nous dormons.  Un petit film sous la couette et dodo. La question est : faut-il mettre les feux de navigation ou le feu de mouillage !!! (c'est une plaisanterie ...).

La prise de météo par BLU fonctionne à merveille. Nous prenons 2 fichiers par jour. Un fichier de prévision à 4 jours zoomé sur notre route et un fichier très large du Pacifique Sud entre Rapa et le Chili pour une prévision sur une semaine.
La météo zoomée sur notre route nous permet de connaître les variations de force et de direction du vent toutes les 6 heures alors que la vue d'ensemble du Pacifique nous permet de définir notre route de manière plus globale.

Exemple d'un fichier météo

Et là, nous voyons passer des dépressions qui nous font froid dans le dos !!! Brrrr, certaines sont très grosses. Normalement elles restent au Sud de notre route. Sauf que bien sûr, ce coup-là, en voici une qui décide de remonter et d'impacter toute la zone entre les 50ièmes degrés  sud et l'île de Pâques situées vers les 25° Sud.
Son centre est en plein sur notre route théorique. Les vents annoncés sont tempétueux et les vagues estimées à une dizaine de mètres. Non franchement, là on s'en passe.
Fort heureusement, avec le temps perdu dans l'anticyclone ces deux premières semaines, Madame la dépression croise notre route mais nous ne sommes pas dans une zone critique. Hé hé hé, nous sommes juste derrière. Si nous avions fait 5 à 6 noeuds de moyenne les 10 premiers jours nous serions en plein, mais alors en plein dedans !!!
Ainsi, la grosse mémère dépressionnaire remonte des 50ièmes et finalement nous profiterons de sa queue pour avoir (enfin) des vents portants et "tester" le bateau dans des conditions plus rudes mais de façon brêve et raisonnable.
Sous GV à 3 ris et trinquette, pas de problème pour Brindacier. Cette dépression sera finalement intéressante pour nous mais nous espèreons grandement ne pas nous trouver au coeur d'une semblable à celle-ci d'ici l'arrivée.

Une grosse dépression nous passe juste devant !!!

Nous attaquons la troisième semaine en franchissant le 38ième parrallèle sud. L'ambiance change. Pendant 5 jours, nous ne voyons quasiment pas le soleil. C'est tout gris tout gris. Il ne pleut pas vraiment mais il bruine.
Le matin, la température à l'intérieur du bateau est d'environ 13°C et le taux d'humidité oscille entre 60 et 85%. Il n'est plus question de naviguer les hublots ouverts comme la première semaine. Même notre hublot goïot de descente est fermé la plupart du temps.

Il fait gris et il bruine. L'ambiance change ...

    

Nous touchons maintenant les vents d'ouest générés par les dépressions passant en-dessous de nous. Comme nous sommes encore bas en latitude, ces vents restent modérés, entre 15 et 20 noeuds.
Au début du passage d'une dépression nous touchons du Nord-Ouest puis le vent tourne Ouest et rapidement Sud-Ouest. Cela nous permet de ne pas être plein portant et nous naviguons à l'allure agréable du travers ou grand largue.

Au cours de cette troisième semaine, nous sommes essentiellement sous GV à 1 ou 2 ris, avec la trinquette. Lorsque le vent le permet, nous déroulons plus ou moins de génois en maintenant la trinquette en place. C'est très agréable car cela permet de gérer aisément la vitesse, tout en réduisant très facilement. Hop on roule le génois et nous voila sous GV arisée et trinquette sans quitter le cockpit.
Parfois, notre quotidien est perturbé par une extension des basses pressions (talweg), ou mini-dépression qui nous secoue un peu plus.

On fait avec ...

    


Grâce à la météo reçue à bord tous les jours, nous avons toujours été prévenu avant et nous avons pu adapter la toile aux circonstances. Un petit coup de 30 noeuds établis avec des rafales à 40 et une mer forte sont vécus sans souci sous GV à 3 ris et trinquette. Seul le pilote est un peu trop sollicité à notre goût car la GV est grande. Même avec trois ris il reste de la surface. Le bateau est donc un peu ardent au largue et lors du passage des plus grosses vagues, le bateau accélère dans les creux, prend un petit coup de gîte et donc se met à lofer. Le pilote rappelle à l'ordre mais nous entendons quelques coup de barre qui vont jusqu'en butée.

Du coup, pour la prochaine dépression, nous affalerons la GV !!! Ah tiens, il reste une fuite. Le hublot de coursive a laissé entrer de l'eau lorsque 2 grosses vagues ont cassé sur le pont. Quelques gouttes d'eau s'infiltre dans le réveil de Robin (sous le hublot malheureusement) qui tombe aussitôt en panne. Ok, au niveau avarie, nous acceptons la panne du réveil mais pas plus !!! Sandrine démonte la bête, sêche tout ca et ca remarche.
Le reveil est indispensable. Il l'était déjà sous les Tropiques, mais là, bien au chaud sous la couette, c'est encore plus dur d'en sortir ...

Bien au chaud sous la couette

    

 

Le 13 novembre : jour de fête ! C'est l'anniversaire de Sandrine. Réveil en chanson "joyeux anniversaire" en polynesien ! Ensuite, la vedette du jour a le choix du menu du midi. Très simplement, elle ne demandera que des capellinis à l'arrabiata. Parfait pour Robin qui cuisine. Le gâteau sera un pot de nutella avec des bougies scotchées dessus. Et en cadeau, un beau bracelet orné d'une perle de Tahiti et d'un oiseau en nacre sculptée.

Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire ...

Autre cadeau, le baromètre remonte, le vent mollit et nous larguons le troisième ris puis le deuxième. Et hop un petit surf à 9,6 noeuds. Encore un cadeau : un albatros vient nous survoler. Ce sont vraiment de beaux oiseaux qui planent magistralement. Ceux que nous voyons ne sont pas très gros : environ 2 mètres d'envergure mais c'est déja pas mal.

Remontée du baromètre

Le 14 novembre : Encore jour de fête ! Nous entrons dans les 40èmes rugissants. Beau temps, GV haute et génois plein. Soleil et même 20°C à bord à midi. La météo que nous recevons ce jour est plutôt sympa car les prévisons semblent bonnes pour la semaine à venir et il nous reste plus que 1150 milles environ à parcourir. Allez croisons les doigts ...

Les occupations à bord sont toujours les mêmes depuis le départ : lecture, cuisine, dodo, cours d'espagnol et rédaction du site (les ecales de polynésie) pour Sandrine et un petit film pendant le repas du midi ou en début d'après-midi. Robin fait régulièrement un tour du pont pour contrôler le gréement, l'accastillage, les points d'usure éventuels, la fixation de l'annexe et de l'ancre.

Robin effectue un tour de surveillance et reserre l'ancre

    

Il y a régulièrement de petits travaux à faire : L'ancre est attachée plus solidement avec une estrope métallique tendue fortement par un ridoir, une manille du palan de GV est reserrée et sécurisée (quand la voile bat au portant c'est fatal pour l'accastillage), une latte de GV est renforcée au niveau d'une petite faiblesse, une goupille de retenue de bôme est changée et l'estrope d'amure de trinquette est changée. Suite à un blocage de cliquet, les deux winchs de trinquette sont démontés et révisés.
Sandrine réalise un gainage contre l'usure du bout anti-torsion de l'hydrogénérateur et ajoute une sangle anti-roulis à la table à carte. Et voilà, les jours passent ainsi. La température baisse doucement avec les latitudes qui descendent.

Manillon de l'écoute de GV sortie et bout anti-torsion abîmé

    

Vérification des gilets de sauvetage et révision des winchs

    

La météo pour la dernière semaine n'est pas très stable. Un jour tout semble parfait, les dépressions sont au sud et le vent est de 20 noeuds avec des vagues de 3m50. Mais le lendemain, une excroissance de la dépression crée des vents "théoriques" sur les gribs de 30 noeuds (donc on peut s'attendre à 40) avec des creux de 5m et plus sur notre route. Puis le lendemain ça change encore un peu. Les isobars sont un peu cafouilleux. Puis finalement ça s'établit.
Le gros de la dépression (notre dernière avant l'arrivée) reste en-dessous de nous et les vents annoncés sur notre route sont de 30 noeuds avec une hauteur significative des vagues de 4m50. OK ca va le faire. Nous restons tout de même méfiants car quand les grib disent 30 noeuds ça veut dire du vent bien costaud tout de même.

Ainsi, en cette dernière semaine, nous naviguons essentiellement sous GV 1 ris et trinquette jusqu'à ce que le baromètre amorce sa chute. Pas une chute vertigineuse, mais une franche descente de la pression.
Nous anticipons l'affalage de la GV afin de faire ça proprement. Celle-ci est bien saucissonée sur la bôme. Nous sommes maintenant sous trinquette seule, avec les deux bastaques à poste (en cas d'empannage intempestif), le cockpit est bien rangé, les planchers sont verrouillés (ce qui est le cas depuis le départ de cette navigation) et les filets anti-chute sont en place sur les équipets.

Brindacier sous trinquette seule avec la GV bien ferlée sur la bôme pendant que l'équipage reste au chaud à l'intérieur

    

Le vent monte, la mer se creuse. Nous sommes au portant à 6 noeuds avec 30 noeuds de vent apparent. Sans GV le pilote est dans ses petits souliers. No problemo. Au petit matin, ça se calme (20 - 25 noeuds). Robin, pendant son quart, motivé, renvoit du génois en complément de la trinquette. Aïe aïe aïe, au bout d'une heure ça remonte en force. Enroulement du génois en urgence et au winch flap flap flap flap ça bat dans tous les sens.
Le gréement vibre. De nouveau sous trinquette seule ça va mieux. Toujours au portant avec des rafales à 38 noeuds devent apparent. La mer a blanchie, ça souffle bien mais Brindacier se comporte correctement et la mer, bien que forte n'est pas dangereuse. Vers midi, le baromètre entame une remontée fulgurante. Nous passons de 1001 à 1024 hpa en 24 heures. Et maintenant le soleil perce les nuages.

Le 22 novembre, nous sommes à la veille de notre arrivée. La météo est sympa : petit vent 13 noeuds portant, la mer est peu agitée et les nuages laissent une bonne part de ciel au soleil.
Nous faisons sêcher les vestes et pantalons de quart dans le cockpit. La chaîne est remanillée sur l'ancre - et oui autant avoir un mouillage opérationnel à l'approche des côtes.
Sandrine se fait hisser au premier étage de barre de flêche pour remettre en place le bout servant à hisser les pavillons de courtoisie (nous l'avions retiré car en Polynésie pas besoin de pavillon de courtoisie pour un bateau francais).

Sêchage des vêtements et remise en place du bout à pavillon

    

D'après les horaires de marée, il nous faut passer le canal de Chacao vers 9h00 du matin et donc pour cela assurer la dernière nuit à environ 6 noeuds de moyenne. Or le vent mollit à 10 petits noeuds plein portant et malgré la sortie exceptionnelle de toutes les voiles en ciseaux : La GV, le génois tangonné et la trinquette, nous stagnons à 4 noeuds. Tant pis, allez moteur !

Brindacier toutes voiles dehors en ciseaux !!!

La dernière nuit se passe donc au moteur sur une mer belle et avec une lune toute pleine.
Nous nous disons : Demain matin nous allons voir la Cordillère des Andes !!! De grandes montagnes enneigées, wahouuuu !!! Au changement de quart à 6h00, nous aperçevons quoi ? Une petite bande de terre sur tribord. C'est l'île de Chiloe. C'est tout ?!? Mais mais elles sont où les montagnes du Chili ??? Bon, peut-être plus loin ... Le soleil orange se leve sur le chili que nous contemplons, heureux et très satisfaits de nous, il faut l'avouer ...

Pleine lune sur l'océan et lever de soleil sur Chiloe

    

A l'approche de Chiloé, le courant de marée est sortant, nous passons de 6 noeuds à 3 noeuds et la houle d'Ouest se creuse car elle est contraire au courant et les fonds remontent.
D'après nos horaires de marées et le logiciel Navionics, nous devrions bientôt être à l'étale de basse mer. Effectivement, 20 minutes plus tard, nous passons entre Chiloé et le continent à 7 noeuds. La marée arrive avec nous.

Les paysages sont beaux. Nous apercevons les premiers pêcheurs. Oh, il y a même des otaries !!! Nous allons peut-être retrouver Jacqueline !!! Heu non, ce sont des lions de mer (ils ont des oreilles) ...
Nous sommes bien heureux de nous engager dans ce canal avec cette superbe météo : bonne mer, bon timing de marée, pétole et soleil. Les conditions sont parfaites. Franchement nous ne pouvions pas rêver mieux.
Nous avancons dans des eaux protégées à 8 noeuds. Autour de nous apparait de la vie. Humains sur quelques bateaux de pêche, pélicans bombardiers, dauphins, lions de mer, cormorans etc ...

La faune de Patagonie nous accueille

    

Nous longeons la côte Nord de Chiloé. Le courant s'accèlere, 9 noeuds, 10 noeuds au GPS ! Puis 11, 12, 13 et jusqu'à 14,8 noeuds au GPS pour 5,6 noeuds au loch (qui n'est pas bloqué par des coquillages pour une fois ...). Il y a même des tourbillons qui nous secouent un peu !

14,8 noeuds au GPS, du jamais vu !!!

Vers 10h00, nous franchissons la partie la plus étroite du canal de Chacao puis nous progressons dans le golf d'Ancud. Il y a 65 milles à parcourir entre l'entrée du canal et Puerto Montt. Donc nous avons prévu de mouiller pour la nuit sur le parcours et d'arriver le lendemain à la marina. Mais avec ce courant entrant béni, nous passons toute la matinée entre  8 et 11 noeuds. Conclusion : Allez go vers Puerto Montt dans la journée.

Nous craignons que le courant sortant suite à l'étale de marée haute à 14h30, nous ralentisse à 2 noeuds. Heureusement, le courant de marée, bien que le marnage soit fort (8m), ne se fait pas trop sentir à l'approche de Puerto Montt. Ainsi, nous passons tout l'après-midi à 6 noeuds, sous un beau soleil, à slalommer entre les îles et avec - enfin - de belles montagnes enneigées en face nous.

Les montagnes enneigées en arrière plan

Le 23 novembre à 17h30, nous sommes amarrés à la Marina Del Sur de Puerto Montt. Au comble du bonheur, contents de nous et fiers de Brindacier.
La route orthodromique entre Rapa et Puerto Montt fait 3500 milles. Nous avons parcourus presque 4000 milles en 33 jours dont
- 10 jours sous 40 degrés de latitude Sud
- 1,5 jour en cumulé avec les voiles ferlées à attendre le vent
- 3,5 jours en cumulé sous GV 3ris et trinquette ou trinquette seule
- 74 heures de moteur

Du 24 novembre au 6 décembre 2018 : Escale à Puerto Montt (Chili)
Ah là là, comment vous exprimer à quel point nous sommes heureux d'être là !!! Cette traversée qui nous faisait un peu peur s'est passée comme sur des roulettes et nous voici amarrés au ponton d'une marina bien en sécurité et avec des douches chaudes !!!

Les formalités d'entrée sont organisées par la Marina et nous voyons défiler à notre bord la police internationale pour les visas, le SAG pour la partie sanitaire, l'armada chilienne pour le bateau. Il manque juste des douanes qui ne viendront que deux jours après mais qui nous ont autorisé à sortir nour promener hors de la marina quand même car ils avaient reçu les photocopies de nos papiers envoyés par la Marina.
Ouf, ça y est, nous sommes en rêgle, nous pouvons aller nous promener en ville. Ce n'est pas compliqué et les gens sont sympas. Le seul hic, notre espagnol laisse toujours à désirer. Mais ça va s'améliorer ...

Cette première journée à terre est consacrée à la visite du marché d'Angelmo. Robin est au paradis. Il y a du fromage, de la charcuterie et du vin !!! Nous nous offrons le repas de l'arrivée dans un bon restaurant où nous prenons tout notre temps. Nous nous répétons, mais vraiment, quel bonheur et quelle fierté d'être arrivés là !!! Pour certains ce n'est rien, mais pour nous, c'est un grand pas dans notre expérience nautique.

Promenade à Anglemo

   

    

Le Chili étant un pays d'élevage d'ovins, on y trouve beaucoup de produits à base de laine : pelotes, pulls, ponchos, ...

Etals de laine

    

Nous faisons la liste de ce que nous achèterons pour l'avitaillement et nous prenons un bus pour rentrer à la Marina. Ici, c'est très pratique de se déplacer, il y a plein de bus pour aller partout et en plus pas chers du tout. Ce n'est vraiment pas la peine de louer une voiture.

Le trajet journalier en bus Marina - Centre ville

Le lendemain, nous prenons notre temps et nous mangeons un almuerzo, équivalent du plat du jour du midi chez nous mais comprenant une entrée, un plat et un dessert, à la Marina. Nous profitons du Wifi pour mettre à jour le site et donner des nouvelles à nos familles. Mais aussi pour trouver les coordonnées d'une personne pouvant nous emener faire une randonnée à cheval de 3 jours dans la vallée de Cochamo réputée pour sa beauté sauvage.

Et nous voilà partis, sacs sur le dos, en bus au grand désespoir de Robin qui n'aime pas les transports en commun, vers la vallée de Cochamo. 2h30 de bus plus tard, nous voilà chez Mr Ciro Vivar !!! La vallée de Cochamo est très réputée pour la randonnée et le bus est tellement plein de sacs à dos que le chauffeur en a disparu ...

Le bus vers Cochamo

    

Ciro est venu nous chercher au pied du bus et nous emmène chez lui, une grande maison traditionnelle en bois chauffée au bois. Le poële à bois trône au centre de la cuisine et sert à chauffer, à cuisiner, à sêcher les vêtements, ... Arghhhh, quel dommage que notre espagnol soit si restreint, nous aurions aimé discuter plus avec lui mais c'est difficile car de son côté, il ne parle pas anglais.

La maison de Ciro

Ce soir, après une bonne douche chaude, nous nous installons avec délectation dans de grands lits moëlleux recouverts de couverture. Les matelas sont au top et il n'est pas nécessaire de nous chanter une berceuse pour nous endormir ...

Sandrine déjà au pays des songes

Au matin, après un petit déjeuner copieux, nous partons vers le début de la vallée de Cochamo. Nos chevaux sont au top. Ils n'ont peur de rien : ni des chiens qui leur aboient après, ni des rivières qu'ils traversent allègrement, ni des voitures qui les doublent. De plus, ils obéissent au doigt et à l'oeil et ont un pas très sur et très doux dans les chemins tortueux et caillouteux. C'est un enchantement. Sandrine qui en rêvait depuis longtemps est aux anges et son sourire dépasse ses oreilles !!!

Le bonheur total !!!

    

Après 5 heures de cheval, nous arrivons à la cabane de Ciro. Les côtés sont en tôle et le toit en bâche plastique. A l'intérieur, c'est très simple : une table, un banc de chaque côté, un feu de bois par terre et un arbuste dont les feuilles sont comestibles à côté de la table. Pourquoi aller chercher dehors ce qui pousse à l'intérieur ...

La cabane de Ciro

    

     

Pour les chevaux, c'est très simple, nous leur avons enlevé leur selle et tout ce qui va avec et nous les avons lâchés dans la nature. Ils savent où trouver leur herbe préféré et le ruisseau où s'abreuver. Ils reviendront demain d'eux-même. Pas la peine de les brosser car ils se roulent par terre tout seuls.

Libération des chevaux pour la nuit

    

En ce qui nous concerne, nous devons monter la tente que Ciro a prévu pour nous. Nous sommes des pros, en deux temps trois mouvements, celle-ci est en place. Les matelas sont gonflés et les couvertures étalées.

Installation de notre campement

    

Le diner préparé par Ciro est englouti et nous rentrons dans nos duvets après avoir essayé les ponchos que nous a prêtés Ciro. En fait, ici, les ponchos sont utilisés pour ce qu'ils sont : Des couvertures dans lesquels un trou permet de passer la tête pour se mettre à l'abri. Ciro porte le sien sur le devant de sa selle. Lorsqu'il a un peu froid, il lui suffit de le glisser sur le côté et de passer sa tête dedans. Le soir, il l'étend et s'en sert de couverture. C'est décidé, nous essaierons d'en trouver deux en prévisions des jours plus frisquets sur Brindacier.

Pendant que Sandrine médite dans son poncho, Robin se moque ...

    

Ce second jour, nous allons faire une randonnée à pied. La ballade doit durer 5 heures, 2 heures et demi aller et deux heures et demi retour. Arghhhh, Sandrine n'en peut plus !!! C'est vrai qu'à force de ne rien faire et de manger, son popotin s'est un peu alourdi et que son souffle est court. Ah là là, il va falloir remédier à cela !!!
Quoiqu'il en soit, il faut reconnaître que ça monte dur et certains endroits s'approchent plus de la grimpette que de la marche. Ah Didier, pourquoi n'es-tu pas là !!! En tout cas, Ciro et ses 65 ans (au moins) nous sème sans difficultés. Quelle forme olympique !!!

Arghhh, ça monte dur !!!

    

Ca en vaut la peine ...

    

Nous arrivons au pied du glacier pour grignoter un petit en-cas avant de redescendre rapidement pour éviter la pluie qui arrive à grands pas. Le spectacle valait vraiment les efforts consentis. La vue est superbe et surtout nous avons les pieds dans la neige !!! Incroyable, dire que quelques semaines auparavant, nous étions dans les lagons de Polynésie. Bon, c'est sûr qu'en prenant l'avion, ce ne serait pas surprenant, mais là, la sensation est totalement différente, nous vous l'assurons. C'est juste irréel !!!

Et nous voilà les pieds dans la neige ...

Un petit en-cas avant de redescendre

    

La descente se passe bien et nous arrivons à la cabane heureux de cette randonnée. Ciro nous prépare le repas du soir et nous partons nous coucher le ventre plein sur nos matelas complètement dégonflés et un peu mouillés car nous n'avons pas tendu le double toit assez loin ...
Il pleut toute la nuit et Ciro, pris de pitié vient réajuster la tente et tendre des bâches au-dessus pour éviter les entrées d'eau. Finalement, au petit matin, nous serons bien secs et prêts à repartir vers Cochamo à cheval.

Ceux-ci nous attendent bien sagement et à part Estrella qui s'amuse à empêcher Sandrine de lui passer le mords, ils sont équipés rapidement. Nous voilà de nouveau en selle et ravis de nous promener dans ces beaux sous-bois.
A la sortie de la réserve, nous retrouvons la route gravillonnée que Robin n'aime pas du tout. En fait, nos chevaux vont au pas ou trottent un peu pour ne pas se laisser distancer par Ciro. Le rythme est donc un peu chaotique et cette fois, c'est le popotin de Robin, trop peu rembourré, lui, qui laisse à désirer.

Belle randonnée à cheval

    

Nous arrivons chez Ciro vers 16h00. A temps pour avaler un en-cas et attrapper le bus de retour vers Puerto Montt. Quel chouette séjour, vraiment !!!
Nous retrouvons Brindacier à sa place. Rien n'a bougé. Tout va bien. Une bonne douche chaude, et dodo.

Maintenant que nous nous sommes bien amusés, il est temps de passer aux choses sérieuses : plein de gasoil, avitaillement, achat de vêtements chauds, achat des fournitures pour isoler Brindacier. C'est parti !!!

Avitaillement pour deux mois dans les canaux de Patagonie

    

    

Découpe des isolations et révision du pilote

    

Vérification du gréement et installation des tourets et des bidons de gasoil supplémentaires

    

Après deux semaines passées à Puerto Montt, nous sommes prêts à partir vers le Sud et ses canaux. Nous allons faire notre Zarpe à l'Armada. Il s'agit d'un papier que vous devez avoir avec vous pour naviguer dans les eaux chiliennes. Il indique le parcours que vous avez prévu et précise les instructions à suivre lors de votre périple. Par exemple, nous devons donner notre position tous les jours à 08h00 et 20h00 par le moyen de notre choix.

Après une dernière soirée dans le confort d'une marina à discuter avec des visiteurs chiliens très sympathiques qui avaient envie de visiter Brindacier, nous partons nous coucher en prévision de la longue journée de navigation qui nous attend demain.

Au-revoir Marina del Sur, nous nous sommes bien reposés et nous avons pu préparer Brindacier correctement pour la suite de notre programme dans un confort agréable.

Des lions de mer sur les pontons de Marina Del Sur

    

Le travel lift utilisant la marée pour sortir les bateaux

    

Le bâtiment principal et les pontons

    

 

 

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026 - Novembre 2018