Du 7 décembre 2018 au 14 janvier 2019 : Navigation de Puerto Montt à Puerto Williams (Chili 1125 milles)
1er janvier 2019 : Navigation de Caleta Bernard à Caleta Darde (54 milles)
Nous quittons la Caleta Bernard avec un peu de tristesse car c'est vraiment un joli petit mouillage très sympathique où l'on se sent bien. Mais il faut avancer. Nous sortons doucement par là où nous sommes passés à l'arrivée et nous voilà partis.

Le temps est 50/50 aujourd'hui. 50% de pluie, 50% sans pluie, voire soleil si nous sommes chanceux ... C'est un grand sujet de discussion au sein de l'équipage ... Robin : Il pleut vraiment beaucoup !!! Sandrine : Meuh non, regarde là-bas, il y a un peu de ciel bleu ...

Un beau ciel 50/50


Nous croisons quelques bateaux sur notre route dont un sympathique bateau de pêche qui nous souhaite de loin une très bonne année 2019. Il est très chaleureux et nous le voyons mimer de loin des embrassades et nous envoyer des bisous. C'est trop cool !!! Comme ça fait chaud au coeur dans cet endroit isolé !!! Nous lui répondons à grands coups de Vouvouzela.

Un bateau de pêche très chaleureux !!!

Nous croisons ensuite un gros tanker. Incroyable, on dirait que c'est celui qui se trouvait derrière Brindacier dans les écluses descendantes du canal de Panama !!! Nous prenons plein de photos pour les comparer avec celles de Panama. Effectivement, c'est le même. Malheureusement, nous n'avons pas le nom de celui de Panama. Mais c'est certain, il est de la même série.

Le cargo avec lequel nous avons passé Panama ?!?

La navigation se passe tranquillement hormis une des rames de l'annexe qui décide d'aller se promener toute seule. Heureusement, l'oeil averti du veilleur du quart s'en est rendu compte avant qu'il ne soit trop tard ... Bon, évidemment, c'est la rame la moins accessible qui fait des siennes.
Nous préparons un lasso pour essayer de la ramener à sa place, sur le boudin de l'annexe. Quelle gymnastique !!! Au bout de quelques minutes, la voilà de nouveau attachée et dans l'impossibilité de repartir.

Rodéo pour une rame

    

L'entrée dans la Caleta Darde est assez étroite et difficile à situer. Nous n'avons pas de carte des fonds pour cet endroit. Mais il n'y a pas de soucis, nous commençons à avoir l'habitude et nous nous dirigeons tout doucement vers le lieu qui nous semble le bon. Nickel, c'est bien par là. Il ne nous reste plus qu'à entrer doucement dans l'étroit goulet dont le fond remonte à 5 mètres pour nous retrouver dans une jolie baie paisible.

L'entrée de la Caleta Darde

Nous mouillons vers 16h45 avec l'ancre et deux amarres arrières comme la plupart du temps. Après les canaux de Patagonie, nous serons devenus des pros du mouillage. Plus rien ne nous arrêtera !!!

2 janvier 2019 : Navigation de Caleta Darde à Puerto Profundo (16 milles)
Au réveil, vers 07h30, nous constatons que le voilier suédois qui était mouillé au fond de la baie est parti tôt ce matin. Après réflexion, nous décidons que tant qu'à changer de place pour mettre les amarres arrières, autant avancer sur la route.
Nous sommes bien rodés. Chacun a sa place et sait ce qu'il a à faire. Il nous faut à peu près 5 minutes entre le saut du lit et le top départ de Brindacier : habillés, moteur en route, tous les intruments allumés, le guindeau sous tension, ...

Finalement, le vent n'est pas trop fort et nous hésitons même à passer dans le détroit de Magellan sans faire de halte avant. Mais la météo annonce tout de même plus de 30 noeuds en fin d'après-midi et le coin est réputé mauvais en cas de fort vent. Nous prenons donc la décision de nous arrêter au dernier mouillage avant le passage dans le détroit de Magellan.

Durant la navigation nous passons à côté d'une vieille épave dont la couleur rouille dénote sur le paysage. Cela nous rappelle qu'il faut faire très attention en cas de brouillard car notre radar ne fonctionne plus et les cartes sont à prendre avec beaucoup de précautions ...

Une épave dans le canal Smith

    

Le vent commence à monter doucement lorsque nous approchons du mouillage. Et là, ce n'est pas une mince affaire !!! Tout avait l'air pourtant facile vu de loin ...
Comme d'habitude, nous entrons dans la baie à l'abri pour mettre l'annexe à l'eau et préparer les tourets d'amarre. Jusque-là, pas de soucis.
Puis Sandrine entame la marche arrière pour rentrer dans le renfoncement du mouillage. Bon, première manoeuvre ratée, Brindacier part de travers sous une rafale. Mais nous avons au moins pu repérer à partir de quel moment le fond remonte suffisament pour poser l'ancre.

Deuxième manoeuvre, cette fois-ci plus franche avec plus de vitesse. Cette fois, il s'agit de ne pas se rater !!! Au signal de Sandrine, Robin lâche l'ancre puis saute dans l'annexe pour attacher l'amarre arrière tribord à un gros bout qui pend de la falaise. Au lieu d'attacher l'amarre, Robin ramène le bout à Brindacier ce qui perturbe Sandrine car le bout est un peu gros à manier.

Bon, finalement, ça le fait et Robin repart fissa avec l'amarre arrière bâbord vers le fond du mouillage en quête d'un arbre solide où l'attacher.
Malheureusement, pendant ce temps, des rafales arrivent au plein arrière un poil bâbord de Brindacier et le pousse inexorablement vers la falaise. Sandrine joue du moteur, en avant, en arrière, en avant, en arrière pour essayer de maintenir Brindacier dans l'axe mais sans succès. De plus, la grosse amarre arrière tribord est coincée dans le taquet d'amarrage et Brindacier est retenu côté falaise. A grands cris, Sandrine appelle Robin à l'aide pour qu'il se dépêche et vienne l'aider à décoincer ce gros bout !!!

Finalement, une fois l'amarre arrière bâbord attachée, les choses se calment un peu et Brindacier est stabilisé à peu près au milieu du mouillage. Mais cela ne suffit pas. Du coup, Robin repart avec une autre amarre du côté opposé à la falaise pour l'attacher d'un côté au bord et de l'autre côté au taquet de garde bâbord. Oufff, ça va mieux, mais nous sommes passés à 1 mètre de la falaise qui guettait notre mât avec envie !!!

Brindacier enfin immobilisé au milieu du mouillage avec 2 amarres de chaque côté

    

Bon, il est temps de faire le bilan de cette très mauvaise arrivée et d'en tirer des conclusions puis des résolutions pour éviter que cela se reproduise. Première conclusion : il ne sert à rien de crier !!! Résolution associée : Sandrine jure qu'elle ne recommencera plus (ou au moins essaiera de son mieux).
Deuxième conclusion : une fois une amarre attachée à un arbre ou autre, il ne sert à rien d'attendre de voir si tout va bien, il faut retourner aider à bord !!! Avec une amarre dans chaque main, une troisième entre les dents, la barre entre les jambes et la manette des gaz maniées avec le genou, Sandrine manque de bras. Il faut donc revenir l'aider au plus vite. Résolution associée : Robin promet de revenir au plus vite sans prendre le temps d'observer ce qui se passe de la terre.
Troisième conclusion : Tous les mouillages indiqués dans le livre ne sont pas aussi faciles que ceux auxquels nous nous sommes habitués jusqu'à présent ...snifff ... Résolution associée : approcher de tout mouillage avec méfiance et concentration (mais c'était déjà le cas ...).

Après un bon repas et des jeux de société en veux-tu en voilà, nous partons nous coucher en espérant ne pas avoir autant de mal à quitter le mouillage que celui que nous avons eu pour y entrer.
Nous passons une mauvaise nuit. Nous qui dormons comme des bébés d'habitude, nous voilà les yeux grands ouverts à 2h00 du matin à écouter les rafales souffler dans le mât. Sandrine sort vérifier les amarres : est-ce que les arbres tiennent toujours ? Est-ce que les amarres ne raguent pas quelque part ? Est-ce que tout cela va tenir ? ...

Bref, peut-être grâce à toutes les promesses qu'elle a pu faire pendant la nuit en échange d'amarres qui tiennent (plus d'alcool en 2019 ni de chocolat, un sourire tous les matins au réveil, ...), Brindacier voit le jour se lever sans aucun problème. Nous sommes soulagés et nous édictons notre quatrième résolution : Toujours mettre autant d'amarres que possible si le temps s'annonce mauvais même si cela ne semble pas nécessaire au premier abord ou pas facile à faire !!! Et là, nous nous souvenons que c'est exactement ce que nous ont dit Kery et Greg à Puerto Eden ...
Ils nous avaient aussi dit que ce serait à nous de faire notre expérience car quelques fois il n'y a que ça de vrai. L'important étant que l'expérience reste sans conséquence, ce qui est le cas pour nous aujourd'hui. Oufff !!!

3 janvier 2019 : Navigation de Puerto Profundo à Caleta Playa Parda (60 milles)
Nous hésitons à partir car nous entendons toujours le vent souffler. Nous essayons de reprendre la météo avec un pas de 3 heures mais la batterie de l'Iridium semble avoir définitivement rendu l'âme. Grrrr ...
Nous n'arrivons pas à joindre l'armada pour connaître l'état de l'entrée de détroit de Magellan. Le départ prévu à 5h30 est repoussé à 9h00 et ce report est mis à profit pour prendre un bon petit déjeuner.

De toute façon, aujourd'hui est le meilleur jour pour passer dans les 4 jours à venir. Alors nous nous décidons pour y aller. Nous préparons bien notre départ du mouillage en discutant avant de qui doit faire quoi et dans quel ordre pour ne pas réitérer notre exploit de la veille.
Robin fait de l'escalade pour détacher les amarres pendant que Sandrine laisse Brindacier avancer sous le vent en le maintenant en ligne droite vers la sortie du mouillage. Il dépasse l'ancre mais tant pis, nous arrivons tout de même à la remonter sans soucis.
Ce mouillage est vraiment le pire que nous ayons fait jusqu'à présent. Croisons les doigts et touchons du bois pour qu'il le reste !!!

Largage des amarres

    

Une fois sortis du mouillage, nous arrivons à discuter avec l'Armada chilienne qui nous indique les conditions dans le détroit de Magellan : 15 à 25 noeuds de vent Sud-Ouest tournant Ouest avec 1,5 à 2,0 mètres de houle. Nickel !!! Ca va le faire !!!

Effectivement, nous n'avons aucun soucis pour entrer dans le détroit de Magellan et arriver à Playa Parda dont l'environnement est vraiment splendide. La baie est entourée de plusieurs cascades majestueuses.
Nous entrons doucement dans la baie bien protégée par son entrée étroite à l'aide cette fois-ci de la tablette et de Navionics sur le téléphone Nous aurions pu aussi y rentrer à vue mais modernité, quand tu nous tiens ...

Arrivée à Playa Parda

    


Nous mouillons en plein milieu de cette belle étendue d'eau calme mais malheureusement, dans le seul taillis de Kelp des environs. Au moins, Brindacier restera bien sur place ...

Brindacier à Playa Parda

Du 4 au 5 janvier 2019 : Escale à Caleta Playa Parda
Jusqu'à présent, nous avons peu eu l'occasion de nous dégourdir les jambes car la végétation est si touffue qu'elle ne permet pas de s'y aventurer. Ici, cela semble différent et nous allons enfin pouvoir aller nous promener à terre. Nous partons donc dès le lendemain de notre arrivée, armés du filet à installer à l'avant de l'annexe, d'un sac contenant de quoi survivre un minimum en cas de problème et de l'appareil photo.

Dès notre arrivée à terre, nous commençons par mettre le filet sur l'annexe. Dire que ce filet vient de chez Bernard aux Gambier !!! Il aura voyagé ... Son objectif est de protéger l'avant de l'annexe lorsque Robin va à terre contre les rochers et les moules pour mettre les amarres.

Pose du filet de protection sur la proue de l'annexe

Ceci fait, après avoir remonté l'annexe sur la plageounette et l'avoir bien attachée en plusieurs points pour être sûrs de la retrouver en revenant, nous partons à la découverte de cet endroit magnifique.

Sandrine s'arrête toutes les deux secondes pour prendre des photos de la flore pendant que Robin peste pour avancer plus vite vers une des cascades. Nous n'avons vraiment pas la même manière d'aborder les promenades ...

Robin escalade pendant que Sandrine s'improvise photographe ...

    

Quelques oeuvres originales

    

    

La marche est assez difficile car bien que la végétation ne soit pas dense en hauteur, le sol est couvert de mousse dans laquelle on peut s'enfoncer jusqu'à mi-cuisse. L'avance est lente et laborieuse et nous devons plusieurs fois rebrousser chemin afin d'en trouver un plus facile. Finalement, nous réussissons à atteindre la première cascade.
Fier de notre succès, nous décidons de continuer plus haut afin d'avoir une vue d'ensemble du mouillage. Nous sommes très prudents dans notre avance car si l'un de nous se fait mal nous aurions du mal à redescendre et nous ne pouvons compter que sur nous-même.

Vues de la baie Playa Parda

    

De retour sur Brindacier, nous constatons que, comme prévu, le baromètre affiche une descente vertigineuse de la pression atmosphérique. Pas de soucis, nous sommes très bien mouillés et parfaitement à l'abri pour attendre que le beau temps revienne.
En attendant, nous initions un tournoi de bataille navale.

Pendant que le baro chute, le capitaine prépare son armada

   

Brindacier à l'abri

    

6 janvier 2019 : Navigation de caleta Playa Parda à Caleta Felix (70 milles)
Le beau temps revenu, nous relevons le mouillage pour aller vers Caleta Felix.
Comme prévu, le départ n'est pas si facile car le Kelp s'en mêle et s'en démêle avec grand plaisir refusant obstinément de libérer Brindacier.
Robin, muni de son arme imparable, s'attaque méthodiquement au problème et fini par gagner !!!

Les canaux sans le Kelp ne seraient pas les canaux ...

    

Bien mouillés avec 50 mètres de chaîne dans 12 mètres de fond et deux longues amarres arrière, nous allons un moment à terre pour suivre le petit cours d'eau qui se jette dans le mouillage. C'est beau et paisible. Nous y rencontrons notre premier Cauquen.

Un cauquen

Nous avançons bien sur notre planning et la possibilité d'aller en Antarctique se précise de plus en plus. Nous devrions être à Puerto Williams à la bonne saison pour nous permettre de traverser le Drake à l'aller et au retour dans de bonnes conditions. D'ailleurs, sans nous être concertés, nos lectures démontrent un certain penchant vers cette éventualité ...

Lectures à bord

7 janvier 2019 : Navigation de Caleta Felix à Caleta Brecknock (52 milles)
La température est de plus en plus fraîche le matin. Nous sommes passés sous les 10°C au réveil mais ça passe bien.
Il faut dire que notre couette est vraiment bien chaude et que Sandrine dort avec un mérinos, une polaire et une pelure en polaire à capuche et c'est sans parler de son jogging et de ses chaussettes à bouclette pour la partie basse !!!

Notre parcours du jour nécessite de passer le Paso O'Ryan, passage étroit d'une profondeur minimale de 4 mètres dans lequel le courant peut atteindre 8 noeuds aux vives eaux. Heureusement, les marées indiquées par Navionics téléchargé par Robin sur son téléphone sont correctes et nous ont permis de le franchir comme des fleurs avec 3 noeuds de courant dans le bon sens.
Cette navigation sans soucis nous amène dans de nouveaux paysages majestueux. Nous sommes entourés de monts rocheux lisses et assez hauts entre lesquels nous nous faufilons pour arriver au mouillage très protégé de la Caleta Brecknock, un endroit à ne pas manquer tellement il dénote de tous les autres.
Nous mouillons Brindacier dans 15 mètres de fond avec 42 mètres de chaîne, 2 amarres à l'arrière et 2 amarres à l'avant. Ainsi, il ne devrait plus bouger.

Brindacier mouillé à Caleta Brecknock

    

Il est 19h15 lorsque nous arrivons et nous avons encore plusieurs heures avant que la nuit tombe. Etant donné qu'il ne pleut pas, nous décidons d'en profiter tout de suite pour aller nous promener voir le lac un peu plus haut.

Un peu d'exercice !!!

    

Comme à Playa Parda, Robin apprécie les paysages et Sandrine la flore. Ce qui nous permet de vous montrer des photos assez variées de ce lieu magnifique.

Quelques vues de Caleta Brecknock

    

      

8 janvier 2019 : Navigation de Caleta Brecknock à Caleta Sherzo (85 milles)
L'étape du jour s'annonce longue. L'odeur de l'Antarctique approchant, nous avons envie d'arriver sans trainer à Puerto Williams pour finir la préparation de Brindacier pour le GRAND SUD !!!
Profitant de ce jour de beau soleil, Robin se lance dans la confection de Firi-Firi qu'il a appris à faire à Rapa.

Fabrication des Firi-Firi

    

La météo nous laisse encore un ou deux jours avant de nous bloquer quelques jours au mouillage sans pouvoir bouger. Nous visons donc un mouillage sûr et intéressant.
Nous avions envisagé Caleta Gomez, situé à proximité du Seno Ventisquero, un fjord permettant d'aller au pied d'un glacier. Mais lorsque nous passons devant, il est encore tôt et nous ne sommes pas fatigués. Alors après un rapide (trop rapide) calcul mental, nous décidons de pousser jusqu'à Caleta Beaulieu dont le mouillage lui-même se trouve au pied d'un glacier et à proximité de deux autres. Ce serait sympa d'y rester plusieurs jours.

Et oui, calcul mental trop rapide ou une fatigue sous-estimée, toujours est-il que 6 heures du soir + 6 heures de navigation ne font pas une arrivée à 22 heures mais à minuit !!! Et là, il fait nuit et il n'y a pas le temps de trouver une solution de repli si le mouillage est déjà occupé ...
Car il faut vous préciser que depuis que nous approchons du Brazo Noroeste, nous voyons désormais plusieurs voiliers à l'AIS. Ca y est, la civilisation est là, nous ne sommes plus seuls !!!

Quelques yachts croisés dans la journée

    

Enfin bref, heureusement que Robin s'en aperçoit et bien qu'il soit trop tard pour faire demi-tour et nous pouvons encore nous rabattre sur la Caleta Sherzo pour mouiller cette nuit.
Nous arrivons dans un endroit assez étroit, que nous avons peu étudié, sans aucune carte pour une fois, avec un peu de vent et en plus le soleil en pleine face. Nous ne voyons presque rien. Arghhh, il y a plein de Kelp dans l'entrée !!!
Bon, faisant contre mauvaise fortune bon coeur, nous avançons tout doucement dans le mouillage en marche avant en croisant les doigts pour qu'il y ait assez de place pour y faire demi-tour.
Une fois le Kelp dépassé et le soleil derrière la colline, la pression redescend. Il y a une ligne de pêcheur qui traverse le mouillage de part en part, nous permettant d'y accrocher nos lignes arrières facilement avant de leur trouver un endroit plus approprié. Mais au moins, Brindacier est immobilisé par son ancre à l'avant et les lignes à l'arrière. Maintenant, nous avons tout le temps pour fignoler ...

9 janvier 2019 : Navigation de Caleta Sherzo à Caleta Beaulieu (17 milles)
Aujourd'hui, petit trajet prévu : 17 milles. L'idée est d'atteindre la belle Caleta Beaulieu avant que le vent ne se lève trop fort dans l'après midi comme semble l'indiquer la météo.

Le largage des amarres, maintenant bien rodé, se passe sans soucis ; quant à l'ancre, elle nous remonte environ 2m3 de Kelp auquel Robin s'attaque en sciant les longues tiges emprisonnant l'ancre.
La dernière fois que nous avons dû couper du Kelp autour de l'ancre, Brindacier reculait, ce qui permettait aux longs morceaux détachés de partir vers l'avant sans se prendre dans la coque ni dans l'hélice ni dans le safran. Cette fois-ci, nous avancons. Doucement mais suffisament pour passer sur le Kelp libéré et là... gros ralentissement du bateau. Sandrine tente des alternances de "marches avant / marches arrière" mais non le bateau ne réagit quasiment pas.

Première inspection rapide autour de la coque : il y a du Kelp dans le safran. Hop avec quelques coups de gaffe, Robin libère le safran. Sandrine réessaye les "marches avant / marches arrière". C'est mieux, il y a du répondant mais pas de puissance ; on se traine à 3 noeuds.
Seconde inspection plus sérieuse à l'aide de la GoPro placée au bout de la gaffe et immergée le long de la coque. Puis pendant que Sandrine maintient le bateau en stand-by au mileu du canal, Robin regarde les vidéos sur l'ordinateur. Et alors la conclusion est évidente : l'hélice est entouré de Kelp. Il faut plonger, pas d'autre alternative.

Bien qu'habituellement ce soit Sandrine la préposée aux interventions sous-marines, sur ce coup c'est Robin qui s'y colle. Le ciré et les polaires sont retirés et ressortent du sac de plongée toutes les épaisseurs de néoprène disponibles : souris 2mm + combinaison intégrale 6mm + shorti 4mm. Et plouf Robin s'enfonce dans l'eau marronâtre avec son masque et son couteau de cuisine. Un bout flottant est déroulé à l'arrière par sécurité.

L'opération de libération de l'hélice s'avère facile et il ne faut que 5 minutes dans l'eau pour régler le problème.
Le bateau est remis sur son cap, plein gaz, tout va bien. Le chocolat chaud est tout de même le bienvenu après cette baignade un peu fraîche.

Le Kelp à Caleta Sherzo et Robin heureux d'aller à l'eau

    

Au bout de 2 heures, nous franchissons prudemment la passe qui permet de quitter le Brazo Noroeste et de s'engager dans le Seno Pia. La passe est étroite et le fond remonte très vite. Heureusement, ce matin le vent est modéré ; voilà une passe qui doit être délicate par gros temps.

Lors de la remontée du bras de mer vers la Caleta Beaulieu, nous constatons sur l'AIS que 2 voiliers sont actuellement mouillés dans la baie. Aïe, il va falloir se trouver une petite place bien abritée car le vent va gronder dans les jours à venir mais la caleta est grande et normalement ça devrait le faire.
L'approche du mouillage est magnifique. Un immense glacier plonge dans la baie avec des monts enneigés en arrière plan. Dans l'eau flottent quelques growlers isolés. Un des deux voiliers (un sloop en aluminium de 16m) quitte le mouillage et quelques instants après le second (un sloop en aluminium de 17m grande classe) fait de même. Voila la Caleta Beaulieu pour nous tout seul !!!

Brindacier à Caleta Beaulieu accompagné d'un petit growler

    

 

Nous mouillons sérieusement 63m de chaîne dans 18m de fond proche de la plage. 2 aussières arrières frappées sur de gros arbres immobilisent la poupe. Cela devrait suffire mais pour assurer le coup nous tirons à terre 2 amarres supplémentaires entre la proue et les bergres latérales. Parfait, on ne bouge plus.

Tout de suite, nous profitons temps clément pour entamer une ballade qui permet d'avoir un point de vue en hauteur sur la baie. Le paysage est vraiement grandiose ! Sandrine prend des photos de détail pendant que Robin immortalise le paysage.

Vues de Caleta Beaulieu

    

    

Pendant notre pause repas/film un voilier français arrive. C'est un SunShine 38 en école croisière. Patrick le skipper, accompagné de 4 équipiers mouille à quelques dizaines de mètres de nous. Tout de suite, un apéro à bord de Brindacier est organisé pour le soir même.
Ainsi de 19h à 23h nous passons une excellente soirée à discuter avec l'équipage voisin. L'ambiance est au top avec ce petit vin rouge chilien et le bon rhum agricole de Tahaa (Polynésie). Nos voisins nous quitterons dès le lendemain matin et nous ne verrons plus personne durant les 4 jours ou nous resterons dans ce superbe mouillage.

Notre voilier voisin invité pour l'apéro sur Brindacier

    

Du 10 au 13 janvier 2019 : Escale à Caleta Beaulieu
Au matin suivant, nous décidons d'aller explorer le glacier en annexe. Il y a pas mal de growlers dans le mouillage mais normalement l'annexe arrivera à se faufiler sans risque. Un gros bateau de tourisme : le Stella Australis amène ses clients en zodiac au pied du glacier. Par chance, lorsque nous arrivons sur place, les zodiacs sont de retour sur le "bateau-mère" et nous avons le spectacle pour nous tout seul.

Bateau de croisière devant le glacier avec ses zodiacs

    

Nous avançons doucement entre les blocs de glace dont certains pèsent plusieurs centaines de kilos. Nous finissons à la rame et essayons de capturer l'instant magique où un bloc de glace se décroche et tombe dans la mer. La mise en route de la vidéo a été trop tardive et l'image n'est pas capturée.

En annexe devant le glacier Pia

    

Pour le chemin du retour nous calons l'annexe dans le sillage du Stella Austalis qui nous fait office de brise-glace facilitant l'avancement de notre frêle esquif.

Dans le sillage de notre brise-glace

Au cours des jours suivants, la météo en dehors des canaux est très mauvaise. Elle parait correcte dans les canaux mais le baro chute très fort. Alors dans le doute, nous optons pour rester à l'abri dans cette belle caleta très bien abritée.

Les 11, 12 et 13 janvier, il pleut beaucoup et nous restons dans le bateau à écouter les craquements du glacier. Il neige dans les hauteurs. Le 12 au matin, le mouillage est rempli de growlers et certains sont vraiment gros. Les amarres en polypropylène sont flottantes ce qui est pratique pour ne pas les prendre dans l'hélice mais tendues dans l'eau entre le bateau et la berge, elles ont un effet barrage anti-dérive des growlers. Il faut alors régulièrement prendre l'annexe et jouer à "chasse glaçons" avec la gaffe.

Les glaçons dans les amarres

    

C'est une de nos occupations, avec la cuisson du pain, la confection de yaourts, les cours de ukulélé (pour Sandrine), le changement du magnétron du radar et la mise en place d'une pompe de tranfert permettant de remplir proprement le réservoir du poêle.

Changement du magnétron du radar

Création d'un nouveau branchement pour une pompe de transfert volante dans le tableau électrique

En effet, le poêle fonctionne quasiment toute la journée car à proximité des glaciers, le fond de l'air est frais (9° dans le carré au réveil). Au cours de la journée, à l'intérieur du bateau nous maintenons environ 22°C et 55% d'humidité. C'est grand confort ! Pendant que la pluie tombe dehors, nous en profitons pour regarder l'intégralité des épisodes de STAR WARS... une première pour Robin qui n'en n'avait jamais vu un seul épisode...

14 janvier 2019 : Navigation de Caleta Beaulieu à Puerto Williams (79 milles)
Ce matin, le temps est pluvieux mais nous espérons qu'il va se dégager dans la journée.
Nous partons tranquillement du mouillage après avoir enlevé et rangé les amarres avant, remonté la chaîne jusqu'à ce qu'il en reste 35 mètres, enlevé les amarres arrières et enfin terminé de remonter le mouillage. Puis, nous terminons de ranger les amarres arrières sur leurs tourets respectifs et enfin nous remontons l'annexe dans le portique. Désormais, nous sommes rodés et ces 4 jours de repos ne nous ont pas fait oublié tout cela.

Nous remontons le mouillage en plusieurs étapes car la chaîne s'entasse dans la baille à mouillage. Et même si celle-ci est largement assez grande pour accueillir nos 63 mètres de chaîne, nous sommes sûrs de pouvoir en rentrer seulement 40 mètres d'un coup sans qu'elle fasse un gros tas qui bloque sa descente.

Exemple de blocage de la chaîne dans la baille

A la sortie du Seno Pia, nous croisons le bateau de croisière Stella Australis que nous avions vu lors de notre arrivée. Il fait vite le tour avec ses touristes !!!
Cette partie des canaux est vraiment belle et nous croisons de nombreuses cascades et glaciers qui tombent de chaque côté du canal.

Cascades et glaciers dans les canaux

    

    

Les yeux plein de ces paysages grandioses, nous arrivons à Puerto Williams à 20h20 où nous nous amarrons à couple de 3 autres voiliers, dans la deuxième rangée (sur 3), au Micalvi. Ceci sonne la fin de notre trajet dans les canaux de Patagonie et nous sommes très satisfait de nous et de Brindacier. Oui, oui, nous osons le dire !!!

Robin ayant profité de nouveau de la longueur de l'étape pour se lancer dans la réalisation de tartelettes au citron, nous les dégusterons avec plaisir pour fêter notre arrivée. Ah là là, Philippe, si tu savais le succès qu'ont ces tartelettes !!! Nous ne te dirons jamais assez merci de nous avoir appris à les faire. Regarde comme ton apprenti se débrouille bien !!!

Les tartelettes de la fin des canaux de Patagonie

Conclusion sur notre navigation dans les canaux :

- Le temps étant très pluvieux, nous avons gardé en place notre bimini et cela apporte un grand confort pour abriter le cockpit.

- Nous avons fait beaucoup de moteur car nos étapes étaient longues (souvent de 50 à 80 milles par jour). C'est dommage car nous aurions pu en profiter mieux en faisant des étapes moins longues et à la voile ce qui était possible quelques fois, surtout dans le sens Nord-Sud. Mais nous visions une arrivée au plus tôt pour aller en Antarctique alors il fallait choisir et nous avons choisi l'Antarctique.

- Il faut prévoir une bonne autonomie en gasoil et de quoi le filtrer correctement pour éviter tout problème. Nous avons un filtre qui permet de séparer l'eau lors du remplissage des bidons et cela s'est avéré indispensable quelques fois.

- Le chauffage est vraiment un plus pour les jours où nous sommes restés au mouillage en attendant que la météo s'améliore. Le Dickinson s'allume vraiment très facilement avec son petit ventilateur. Nous en sommes très contents.

- Nous n'avons croisé que 2 voiliers de Puerto Montt à Caleta Sherzo mais nous ne nous sommes jamais senti totalement seuls et démunis en cas de problème car l'Armada chilienne reste à l'écoute des bateaux dans les canaux et il y a toujours un bateau de pêche ou autre qui passe à proximité dans une journée (en tout cas, à cette époque de l'année).

- La BLU a bien fonctionné jusqu'à Puerto Bueno avec l'émetteur d'Honolulu (en version radio amateur). Mais ensuite, il faut prévoir un téléphone satellite Iridium pour la suite car Sailmail ne marche pas fort non plus.

- Le guide des canaux de Patagonie "Patagonia & Tierra del Fuego" de Mariolina Rolfo et Giorgio Ardrizzi est une mine d'informations et ce serait vraiment dommage de s'en priver. Il nous paraît indispensable si l'on veut aller vite dans les canaux mais cela n'empêche pas de découvrir d'autres mouillages si on a le temps ...

- Pour l'isolation des hublots, une simple nappe en plastique transparent collée au silicone sur les hublots a fait parfaitement son office. Il ne nous paraît pas nécessaire de faire plus compliqué mais c'est peut-être parce que Brindacier est déjà très bien isolé de base.

- Notre système avec 4 tourets d'amarres de polypropylène 100 mètres chacune nous a pleinement satisfait. A deux, il nous paraît impératif d'avoir un système permettant au barreur de ne pas avoir à se soucier du bon déroulement des amarres.

- Une scie à Kelp reste un outil très utile ...

et sumum du sumum : nos combinaisons de pêche qui nous ont permis d'aller à terre sans tremper nos combinaisons de voile ni avoir peur que l'eau passe au-dessus de nos bottes. Franchement, c'est un investissement que nous n'avons pas regretté et nous ne comprenons pas pourquoi nous n'avons jamais vu aucun voilier en utiliser !!!

Le must pour les canaux : la combinaison de pêche !!!

15 janvier 2019 : Escale à Puerto Williams
Comme d'habitude, notre première envie à l'arrivée à une étape civilisée est d'aller boire une bière. Etant donné qu'il est trop tard pour faire les formalités administratives chiliennes, nous partons en quète de notre breuvage.

Au Michalvi, célèbre "Yacht Club" du bout du monde, nous rencontrons des anglo-saxons qui naviguent sur 2 bateaux à moteur en aluminium de 26m. De vrais bateaux d'exploration polaire avec tout l'équipement spécifique et des skippers professionnels. Ces personnes très sympathiques, en plein apéro dinatoire, nous informent qu'il sera difficile de trouver une bière à cette heure exceptée celle qu'ils proposent de partager avec nous autour de leur table.

Nous acceptons avec plaisir et commençons à poser des milliers de questions sur l'Antartctique.
Notre problème avec le radar est présenté à nos interlocuteurs et nous récupérons le numéro de téléphone d'un agent chilien à Puerto Williams qui pourrait éventuellement nous aider ou nous aiguiller vers une personne compétente.
Plus tard, nous rencontrerons cet agent qui fut fort aimable mais qui ne put rien pour notre radar.

Nous finissons la soirée dans un petit restaurant bien sympa avec les deux skippers des bateaux. Ils nous montrent de belles photos de l'Antarctique et notre envie d'y aller en sort grandie.

Le lendemain - 15 janvier 2019 - nous nous présentons à l'Armada chilienne pour signaler notre arrivée. Encore une fois, le contact avec les autorités chiliennes est très bon.

De retour sur Brindacier qui est le 5ème bateau à couple du Michalvi nous croisons Jean Monzo du voilier " Le Boulard". Sandrine se souvient l'avoir rencontré lors de son premier passage à Puerto Williams en 2008.
Il croise en Antarctique depuis 1995 et compte environ 30 allers/retours là-bas, c'est à dire 60 traversées du Drake. Cela force le notre respect et nous avons bien sûr milles questions à lui poser.

Brindacier, le dernier de la rangée à couple x5 du Micalvi

Il nous invite à prendre un café sur son bateau, nous lui apportons des tartelettes au citron et voilà le contact établit. Finalement, dans quelques mois, Jean deviendra et c'est tant mieux, la personne avec qui nous aurons passé le plus de temps (et de bon temps) dans le Sud !
Son discours sur l'Antarctique se veut assez rassurant et il nous encourage à y aller. Mis à part le radar, le bateau est Ok, c'est la bonne saison, nous nous sentons prêts ... tous les feux sont au vert.

16 janvier 2019 : Navigation de Puerto Williams (Chili) à Ushuaia (Argentine) (28 milles)
L'avitaillement alimentaire et l'approvisionnement en gasoil à Puerto Williams sont corrects mais les quelques achats vestimentaires pour le froid et la réparation du radar de Brindacier nous incitent à nous rendre à Ushuaïa.
Pour cela nous devons faire la sortie chilienne qui nécessite environ 2 heures de formalités : Passage par l'Armada puis la Police internationale puis les Douanes et retour à l'Armada. Nous obtenons en fin de matinée du 16 janvier notre permis de sortie du Chili.

En route vers les douanes

La météo annonçait peu de vent le matin - environ 15 noeuds - fraiîchissant à 20 noeuds en fin de journée. Du vent d'Ouest donc de face pour aller de Puerto Williams à Ushuaïa mais la distance est courte : 28 milles ; nous nous lançons.
Dès notre sortie de la baie, nous sommes cueillis par de fortes rafales de 35 à 40 noeuds dans le nez. Au moteur, nous luttons contre ce vent et essayons d'avancer. Le clapot levé dans le canal de Beagle est infranchissable pour la longueur de flottaison de Brindacier. Nous passons fréquemment en dessous des 1 noeud de vitesse. Mais à force de persévérance et en louvoyant un peu, nous gagnons du terrain. Le pilote automatique n'aime pas du tout cette situation, nous le laissons se reposer et  nous nous relayons à la barrre toutes les 30 minutes. 2,5 noeuds de vitesse moyenne sont assurés et finalement nous arrivons à Ushuaïa à 20h30 après une navigation très désagrable de plus de 10 heures !!!

Arrivé à l'Afasyn (un des deux quais de plaisance de Ushuaïa) Sandrine effectue une belle manoeuvre de prise de quai dans un renfoncement côté plage avec 25 à 30 noeuds de vent tandis que Robin se fait aider pour frapper les amarres à plus de 2,5m de hauteur du pont car la marée est basse.

Brindacier au premier plan, amarré à l'Afasyn

    

L'accueil de Roxana, gérante de l'Afasyn, est chaleureux et efficace : le bureau est là, les douches sont ici, le code d'accès est celui-ci, le code internet est celui-là, pour votre radar quelqu'un passera demain. Reposez-vous. Parfait, merci !!!
Le bateau bien amarré, nous filons immédiatement dans un resto qui est resté gravé dans l'esprit de Sandrine lors de son passage en 2008 : La Rueda. Nous traversons Ushuaïa en combinaison de voile à la recherche de ce lieu mythique mais finalement nous apprenons qu'il a fermé et nous nous rabattons sur un autre resto. Ahhhh, que cela fait du bien de boire une pinte de bière et de manger un bout bien au chaud après une navigation aussi stressante et désagréable ...

Ah qu'on est bien !!!

Du 17 au 25 janvier 2019 : Escale à Ushuaia
La journée du 17 janvier 2019 démarre avec les formalités argentines pour notre entrée sur leur territoire. Tout d'abord l'Armada, puis l'immigration, puis les douanes, puis de nouveau l'Armada. Voila de quoi nous occuper la matinée. D'autant plus qu'une fois l'entrée terminée, nous demandons l'autorisation de nous rendre par la suite aux Iles Malouines. Aïe, aïe, aïe, la guerre des Malouines entre l'Argentine est encore vive dans les esprits comme en témoigne une sculpture sur une place d'Ushuaïa, ainsi qu'un monument aux morts et une allée commémorative avec des photos de la guerre prises sur le vif.

Monument commémoratif de la guerre des Malouines

Bien que ces îles soient officilement une colonie britanique, la guerre de 1982 pour ce territoire opposant argentins contre anglais et gagné par ces derniers n'a pas été digérée par les argentins. Pour eux, les îles Malouines (appelées Malvinas par les argentins et Falklands par les anglais) leur appartiennent et quiconque s'y rend sans leur autorisation est un ennemi de l'Argentine. Autrement dit : un marin quel qu'il soit qui ferait escale aux Malouines (territoire anglais) et qui irait ensuite en Argentine se verrait saisir son bateau, voir provisoirement emprisonné et assurément contraint de payer une amende de quelques milliers de dollars.

De notre côté nous prévoyons de passer par les Malouines en remontant d'Antarctique et bien que nous ne pensons pas retourner ensuite en Argentine, nous préférons faire la demande officielle afin de ne se fermer aucune porte pour la remontée de l'Atlantique à venir.

Les 4 jours suivants, Brindacier reste au quai de l'Afasyn et nous nous occupons entre autres du radar. Le radôme est démonté du mât et descendu pour le montrer au technicien que nous a recommandé Roxana.
Il part avec pour le tester chez lui. Ok nous attendons la suite. Nous profitons de ce temps pour faire le point de ce qui nous manque pour l'Antarctique et comment nous le procurer. La liste est longue : Des filtres à gasoil, des filtres à huile, des cartouches de filtration pour le préfiltre séparateur, de l'huile moteur, de l'huile hydraulique pour le pilote automatique, des élingues métalliques pour s'amarrer autour des rochers, le plein de gaz, le plein d'essence pour l'annexe et de nombreux bidons de gasoil pour augmenter notre autonomie.

                       Encore une liste de choses à faire !!!                           Le radar prêt à partir en réparation

    

Pour mener à bien toutes ces tâches, nous louons une voiture pour 2 jours. Il faut bien gérer notre temps car les magasins ouvrent de 9h00 à 12h00 et de 16h à 20h00. Le bon côté des choses est que cela nous laisse du temps pour manger le midi ...
Nous trouvons tout ce que nous cherchons sans difficulté excepté les cartouches de filtration pour le préfiltre Racor Parker. Et pourtant il s'agit d'une marque bien représentée dans le monde mais visiblement pas ici. Il nous en reste une seule de rechange et nous devrons bien la changer un jour ... Pour rappel, c'est à cause d'un filtre comme celui-ci que nous avons vécu plus d'un an avec un moteur "3 heures" !!!
Nous essayons tous les magasins, tous les équivalents, etc... mais après avoir couru toutes les échopes nous abandonnons. Nous ferons avec une seule cartouche.

A la recherche désespérée d'une cartouche de filtre à gasoil

Pour les élingues métalliques nous en avons fabriqué quatre avec du câble en acier galvanisé de 8mm de diamètre. Chacune mesure environ 4m de long et se termine à chaque extrémité par une boucle réalisée avec 2 serre-câbles.

Concernant le gasoil, normalement, Brindacier navigue avec environ 700 litres à bord au départ d'une traversée classique. Mais pour l'Antarctique, nous avons considéré l'éventualité de faire l'aller et le retour au moteur + naviguer sur place au moteur + une utilisation intensive du chauffage. Nous nous sommes donc doté de 465 litres supplémentaires en bidons pour atteindre un total de 1165 litres à bord dont 1050 litres réellement et facilement exploitables. La couchette de quart arrière tribord a été sacrifiée pour devenir un "range bidon" ainsi que le dessous de la table du carré. Le plein a été réalisé via des bidons remplis dans une station service en faisant des allers-retours avec la voiture de location. Ca c'est du boulot !!!

Brindacier : un nouveau pétrolier ...

    

Le 20 janvier, le radar nous revient avec un nouveau MIC et la garantie du réparateur que cela fonctionne. Un test est réalisé avec le radôme posé sur la capote de Brindacier relié à l'écran via le câble du réparateur. Tout semble fonctionner, super. Sandrine se lance à l'assaut du mât du pour remonter tout cela là-haut.

Bien que les douches soient très agréables et Roxana d'une grande serviabilité, nous constatons que l'ambiance au Club Nautico, de l'autre côté de la baie, semble très sympa et le quai beaucoup plus proche du centre ville. De plus, notre ami Jean du Boulard s'y trouve. La décison est prise de s'y rendre demain pour passer nos derniers jours à Ushuaïa; journées dédiées au repos et à l'achat de vêtements bien chauds pour la suite.
C'est ainsi que le 21 janvier, après avoir payé notre dû à l'Afasyn, nous quittons le quai malgré un vent de travers compliquant la manoeuvre. Quelques marches avant / marches arrière sont nécessaires pour faire demi-tour sans se taper le quai ni un autre bateau et sans s'échouer car nous n'avons que quelques centimètres d'eau sous la quille. Heureusement, avec toutes les manoeuvres effectuées au moteur pour rentrer dans les mouillages des canaux et attendre en stationnaire que les amarres soient attachées, Sandrine maîtrise à peu près la bête !!!

C'est à cette occasion que nous constatons que le sondeur ne fonctionne plus. Ca c'est un gros problème. Car s'il s'avère irrémédiable il faut, certes, trouver un nouveau sondeur mais il faut qu'il s'adapte à notre sonde de profondeur. Celle-ci étant sous la flottaisson, elle ne peut être changée que le bateau à sec !

Bon, bonne nouvelle : nous sommes au club Nautico amarré à couple du Boulard. Mauvaise nouvelle : il y a urgence à régler le problème de sondeur. C'est un instrument indispensable pour l'Antarctique.

Brindacier au Club Nautico en dernière position à côté du Boulard qui fait concurrence pour les bidons ...

    

Par chance, au cours de nos recherche sur internet pour trouver un nouveau sondeur, nous rencontrons un argentin qui aide Robin à contacter le magasin BARON à Buenos Aires. Ces derniers possèdent en stock un sondeur Raymarine BIdata I40 compatible avec notre sonde Raymarine ST40. Nous sautons sur l'occasion et validons la commande avec un supplément pour assurer une livraison express en avion.
Mais pas d'expédition du sondeur avant paiement et ici pas de virement par internet possible. Il nous faudra passer une matinée complète à la banque pour effectuer le paiement et donner la preuve au magasin pour que celui dépose le colis à l'expédition. Nous courons comme de fous pour que tout cela se passe au plus vite. Bien sûr viennent se greffer à l'histoire des frais de douanes et autres obstacles mais finalement en moins de 48 heures le sondeur est commandé, validé, expédié. Nous l'attendons de pied ferme !

Pendant cette attente Sandrine se penche sur le réglage du radar et n'est pas tellement convaincue de ce qu'elle voit à l'écran. Comme le réparateur du radar pouvait peut être jeter un oeil à la panne du sondeur, nous lui demandons de revenir et par la même occasion de regarder notre écran radar. Bon, comme attendu il ne peut rien faire pour le sondeur et nous le comprenons (l'écran ne s'allume plus et le boitier est scellé ...) et nous confirme que le radar a toujours un problème ... Pfffff, ça devient épuisant !!!

En tout cas l'homme est honnète car il n'a pas encore encaissé la facture de sa réparation précédente et ne le fera que si le radar fonctionne réellement. Les opérations de montée et descente du mât recommencent pour Sandrine. Le premier test consiste à faire marcher le radôme avec le câble du réparateur. Ca fonctionne ... Aïe, aïe aïe, si c'est notre câble qui est défectueux, c'est une vrai galère a changer car il court dans le mât, traverse le pont et tous les aménagements du bateau. Finalement un doute s'installe dans l'esprit du réparateur et de Sandrine : Et si c'était seulement un mauvais branchement au niveau du radôme. Nouvelle tentative avec le câble de Brindacier et cette fois tout fonctionne parfaitement. Ouf, ouf et encore ouf !!!

Tune du radar avant et après, ouf, ça va mieux ...

    

Dernière mission : la purge du pilote automatique. Après une explication téléphonique sur la procédure à suivre avec Mr Etcheto de Lecomble et Schmitt à 4h du matin heure locale (10h du matin pour lui), nous affectuons cette purge plus par acquis de conscience que par réelle nécessité.
A cette heure, tout fonctionne à bord sauf le sondeur mais il doit être dans l'avion en route pour Ushuaïa. Tous les pleins sont faits y compris l'avitaillement. Alors nous profitons un peu de notre temps libre pour nous acheter de superbes bottes chaudes, des moufles et une cagoule hyper chaude pour Robin ainsi qu'un bonnet fourré en mouton avec oreilles intégrées, une polaire et des mégas moufles de l'extrême pour Sandrine. Seul grosse ombre au tableau, comme au Chili, c'est la crise du Nutella aussi en Argentine !!! Oh désespoir !!! Les prochaines semaines s'annoncent dures ...

Le plus gros pot trouvé à Ushuaia !!!

De son côté, Sandrine cherche un métronome pour mieux apprendre à jouer du Ukulélé. Nous trouvons un super magasin de musique qui propose plein de guitares, ukulélé, ... Une petite photo pour le plaisir de ceux qui aiment ces instruments. Il y a aussi quelques belles pièces au Hard Rock café d'Ushuaia que nous allons visiter un midi pour la plaisir.

Beau choix de guitares

    

Mais pour bien décrire notre séjour au Club Nautico d'Ushuaïa, il est indispensable de mentionner le décalage horaire que nous avons vécu en nous couchant à 2h du matin et nous levant à 10h presque tous les jours. Et à quoi cela est-il dû ? A notre voisin Jean du Boulard avec qui nous avons passé tous les soirs de très bons moments.
D'abord un pot-au-feu avec vin rouge sur le Boulard en compagnie de Alain et Pierre : 2 jeunes équipiers du Boulard.
Puis un repas sur Brindacier avec Jean, Pierre, Alain, et notre ami argentin.
Ce repas aura vu mourir la dernière bouteille de Rhum de Tahaa.
Puis une grillade-party de sardines le lendemain sur le Boulard avec toujours une fin sur le coup de 2h du matin. Et enfin le dernier jour avant notre départ, une visite à un bar mythique d'Ushuaïa avec d'autres équipiers se terminant par un repas sur le Boulard. Une ambiance excellente à chaque fois !!!

Soirée sur Brindacier

Et voila que le 25 janvier, nous recevons notre nouvel afficheur de sondeur tout beau tout neuf. Nous le connectons et hop la profondeur s'affiche ! Hourra !!! Cette fois tout est paré sur Brindacier. Nous n'avons plus d'excuse pour rester accrocher au ponton si ce n'est les bons moments que nous passons avec les gens d'ici.
De plus, un créneau météo semble s'ouvrir clairement pour l'Antarctique d'ici 48 heures. Nous n'avons pas le droit de le rater.
Afin de nous offrir la possibilité de nous arrêter dans les eaux chiliennes entre ici et l'Antarctique, nous décidons de faire un départ officiel depuis Puerto Williams.
Le 25 janvier dans l'après midi nous effectuons les formalités de départ d'Argentine (toujours le même déroulement : Armada - Immigration - Douanes - Armada) pour quitter le pays le lendemain matin et retourner au Chili à Puerto Williams.

26 janvier 2019 : Navigation de Ushuaia à Puerto Williams (28 milles)
Le 26 janvier au matin, à 07h00, notre ami Jean est sur le pont du Boulard pour nous offrir un café et larguer nos amarres de couple.
Nous retraversons le canal de Beagle dans un calme plat bien appréciable car voila 4 jours que le vent soufflait à une trentaine de noeuds dans le coin. Nous en profitons pour nettoyer les parre-battages qui ont roulé et se sont faits écrasés contre le Boulard plusieurs jours. Ah ça, on peut le dire : Jean a laissé des traces !!!

Vif le Cif !!!

Pendant le trajet, Sandrine s'aperçoit que la manette des gaz est un peu plus dure que d'habitude. Une inspection rapide des câbles d'accélérateur et d'embrayage ne montre rien d'anormal. Arrivés à Puerto Williams, il n'y a plus de doute : nous avons un problème avec la manette qui est particulièrement difficile à actionner.

Notre priorité est avant tout de faire les formalités administratives du Chili car nous souhaitons partir demain matin de bonne heure. Pour cela il est nécessaire de faire simultanément l'entrée et la sortie du territoire. Nous sommes samedi et nous craignons que certains bureaux officiels soient fermés cet après-midi.
Heureusement l'Armada chilienne est très arrangeante et nous organise un passage dans tous les services (police internationale, douanes) avant 15 heures. Tous nos documents sont tamponnés pour l'entrée et la sortie. Le service de l'environnement (S.A.G) passe même sur le bateau vers 16h00. Nous sommes parfaitement en règle pour être au chili et en partir demain matin.

Vers 17 heures, bien qu'une certaine fatigue se fasse sentir, la manette des gaz est entièrement démontée du cockpit et desossée dans le carré. Chaque écrou, ressort, clip est enlevé, nettoyé et graissé ... Pendant que Sandrine s'applique sur ce nettoyage méticuleux, Robin (malgré un petit rhume naissant) enfile sa combinaison de néoprène 6mm doublé d'un shorty 4mm pour aller caréner la coque.

Nettoyage de la manette des gaz

A savoir qu'il est strictement interdit de plonger avec ou sans bouteille dans les eaux de Puerto Williams. Enfreindre cette interdiction entraîne une convocation à l'Armada et probablement une amende. C'est pourquoi Robin attend 19h que l'activité au Michalvi et autour de nous diminue pour sauter rapidement dans l'eau. La coque est très sale (surtout le premier bouchain), l'eau est très froide et le rhume de Robin n'améliore pas ses qualités en apnée. En un demi-heure avec une grosse éponge et une spatule, le plus gros des algues est retiré et Robin ressort congelé.

Le nettoyage de la manette des gaz par Sandrine a été terminé pendant que Robin carénait ; nous pouvons donc passer à la phase de remontage. Quel bonheur d'avoir une manette des gaz d'une telle souplesse !!! Ase demander pourquoi nous ne l'avons pas fait plus tôt !!! Mission réussie, elle n'a jamais été aussi souple.

Il est 21 heures, le bateau est mal rangé car pour accéder à la manette il a fallut vider des coffres entiers. Mais l'appel du dernier resto avant l'Antarctique est plus fort que tout et nous allons nous restaurer avec une bonne bière jusqu'à minuit. C'est également notre dernière connexion internet avant plusieurs semaines et Sandrine à moults sujets à régler.
A minuit, nous rejoignons le bord et rangeons tout le bateau impeccable.

Minuit : C'est parti pour le rangement, pfff ... Vivement les vacances !!!

    

Il est 1 heure du matin, nous sommes crevés, le bateau est parfait : nous partons demain matin pour le Drake !

Du 27 au 31 janvier 2019 : Navigation de Puerto Williams (Chili) à Deception (Antarctique) (569 milles dont 449 au moteur)
La météo prise à 07h00 ce matin le confirme, un crénéau météo s'ouvre en direction de l'Antarctique pour les 5 jours à venir. Le vent annoncé est à l'Ouest - Sud Ouest, faible voire nul. Cela présage de beaucoup d'heures de moteur mais surtout, et c'est le plus important pour nous, d'une mer belle et sans risque.
Brindacier quitte Le Michalvi par une manoeuvre parfaite à 07h15 et nous nous engageons dans les canaux en direction du "Grand Sud".

Un temps magnifique pour quitter les canaux

    

Le bateau est préparé comme d'habitude pour une grande traversée même si celle-ci ne dure que 5 jours. L'ancre est capellée solidement dans le davier et l'écubier est bouché de manière la plus étanche possible. La chaine est quant à elle sécurisée dans son puit.

Sécuristation du mouillage et bouchage de l'écubier

A 20h30 le Cap Horn apparaît distinctement sur notre tribord. Nous inflêchissons notre route vers l'Ouest afin de saluer ce caillou mythique et faire la photo traditionnelle du marin devant "le Cap". Comme l'instant est symbolique, nous ouvrons deux petits cadeaux piochés dans notre boîte aux trésors. Sandrine tombe sur une énigme et Robin sur des photos de famille anciennes où il faut retrouver qui est qui.

Le Cap Horn en famille

La GV, le génois et la trinquette sont hissés depuis le départ mais le vent est tel qu'annoncé, c'est à dire quasi nul et donc le moteur est démarré. Sur cette traversée nous nous sommes fixé une vitesse minimale de 5 noeuds. Si le vent ne nous permet pas d'assurer cette vitesse alors nous appuierons notre marche au moteur.
Tous les marins que nous avons rencontrés et qui connaissent le Drake, nous ont donné le même conseil : le Drake, il faut le traverser au plus vite et ne pas s'y éterniser.

A la latitude du horn (56°S), un courant contraire nous oblige à monter le régime moteur à 2000tr/min (au lieu des 1800 habituels) afin de tenir les 5 noeuds, et encore nous ne sommes qu'à 4,6 noeuds.
Il faut reconnaitre qu'en plus du courant contraire, Brindacier est un peu plus lourd que d'habitude car nous avons à bord le plein d'avitaillement, le plein d'eau (400l), le plein de gaz, et le méga plein de gasoil : 1165l.

Normalement, Brindacier navigue avec environ 700l de gasoil à bord au départ d'une traversée classique. Mais pour l'Antarctique nous avons considéré l'éventualité de faire l'aller et le retour au moteur + naviguer sur place au moteur + une utilisation intensive du chauffage. Nous nous sommes donc doté de 465l supplémentaires en bidons. La couchette de quart arrière tribord a été sacrifiée pour devenir un "range bidon" ainsi que le dessous de la table du carré.

Nous n'hésitons donc pas à mettre le Yanmar en service et à accélérer ce qu'il faut pour avancer sur la route.
La première nuit se passe au moteur et pilote automatique. Les quarts de veille se font comme d'habitude à bord de Brindacier; c'est à dire un roulement toutes les 3 heures avec permission de dormir pendant son quart mais obligation d'assurer un tour de veille attentif toutes les 20 minutes.
La première nuit est fraîche mais nous passons le plus clair de notre temps à l'intérieur où il fait un peu plus chaud même si nous n'allumons pas le chauffage en navigation.

Quart de veille au chaud relatif ...


Au petit matin du second jour le vent fraîchit et les voiles portent suffissament pour stopper le moteur. Nous touchons un vent apparent au bon plein entre 13 et 18 noeuds. C'est parfait pour marcher à 6 noeuds. L'hydrogénérateur nous assure assez d'éléctricité pour étaler la consommation du pilote automatique. Le régulateur d'allure n'a pas été installé sur cette traversée car il gêne les manoeuvres de monter et descente de l'annexe que nous devront faire dès l'arrivée au mouillage en Antarctique. De plus, la traversée étant courte et une bonne partie étant prévue au moteur, la consommation électrique du pilote automatique ne devrait pas être un problème.

Le ciel est légèrement couvert mais de belles éclaircies ponctuent la journée. La mer est peu agitée et la houle est ample et sans danger. Nous naviguons dans ces conditions jusqu'au lendemain matin.

Navigation dans le Drake

    

En ce debut de troisième jour, le vent tombe, les voiles battent alors le moteur reprend le relai. Le soleil fait de multiples apparitions et l'eau est d'un bleu scintillant. On dirait la mer des caraîbes !!!
Soudain à 8h du matin une dizaine ou plus d'orques jaillissent à l'arrière du bateau. Ils foncent avec leur aileron frétillant sur la jupe de Brindacier mais sans la toucher. Il y a des adultes et des juveniles dirait-on. Ils passent à bâbord, à tribord, sous le bateau ...wahouuuu c'est très impressionnant. Ils se comportent autour du bateau comme des dauphins mais en beaucoup beaucoup plus gros !

Un banc d'orques

    

    

Au même moment de nombreux albatros tournoient dans le ciel. Nous en déduisons que nous sommes en train de passer la convergence Antarctique. Cette limite se situe entre le 55eme parallèle et le 60eme. A cet endroit l'eau passe d'environ 7°C à 1°C et il y a une importante concentration de la vie marine due à une forte concentration de plancton, de krill,... et donc de baleines, d'orques, de poissons, d'oiseaux ... Nous observons de nombreux oiseaux dont surtout les fameux albatros et leur vol somptueux.

Un albatros en vol et la limite de la convergence Antarctique

    

Vers 13h, nous observons un drôle d'oiseau : le voilier ISATIS. Il est sur notre avant tribord. Ce bateau en aluminium de 14m avec un équipage de 4 français à bord est parti d'Ushuaia un jour avant nous. Nous les doublons à mi-chemin. Par contact VHF nous apprenons que des laizes de leur génois se sont décousues et que par conséquent, ils avancent "tranquilles" étant donné que le créneau météo est fiable sur encore plusieurs jours.

A 18h nous franchissons le 60ème parallèle sud et entrons ainsi dans la zone du Traité de l'Antarctique. Le climat s'en ressent; il fait toujours assez beau mais maintenant il fait franchement froid. A bord, Sandrine fait un usage intensif de la bouillotte et il faut reconnaître que c'est drôlement efficace pour se réchauffer.

D'autant plus que maintenant nous devons veiller la glace avec attention. Au cours de la nuit le radar est en fonctionnement permanent. Il permet de détecter les icebergs mais pas les growlers (petits morceaux d'icebergs assez gros pour faire de grosses bosses dans Brindacier). La fréquences des veilles passe de toutes les 20min à toutes les 10min. Heureusement les nuits sont très courtes et la lune permet une bonne visibilité nocturne; ce qui est rassurant pour notre première nuit sous les 60eme.

Veille au radar

La quatrième journée se passe exclusivement au moteur. Rythme tranquille avec un petit film le midi pendant le repas. Pas encore vu d'iceberg, ni de growler, ni de glaçons et c'est tant mieux ...
Etant donné la météo favorable, nous décidons de changer de lieu d'atterrissage. Initialement, nous pensions arriver à Melchior (comme la plupart des bateaux) mais finalement nous nous déroutons vers l'île Deception, un peu plus au Nord. Cette île n'est visitable que par beau temps, c'est donc pour nous l'occasion ou jamais d'y aller.

Pour la dernière nuit, en complément du radar, la veille extérieure est continue et le froid devient saississant. Heureusement que nous sommes bien équipés depuis nos emplettes à Ushuaia.

Le froid devient plus mordant ...

Au petit matin du cinquième et dernier jour de cette traversée, Sandrine aperçoit les premiers icebergs. Puis, nous croisons quelques growlers et un énorme iceberg tabulaire. Ca y est, nous entrons dans le vif du sujet !!!

Iceberg et growler : Bienvenue en Antarctique !!!

    

L'île Smith toute enneigée est laissée à tribord et nous avançons sous voile et moteur vers notre mouillage d'arrivée au milieu des manchots, des baleines et des phoques.

Passage de l'île Smith

    

L'île Deception est un volcan effondré. On pénétre au coeur de son cratère immergé par le "soufflet de Neptune", un chenal entre de hautes falaises rocheuses dans lequel le vent est canalisé et accéléré. L'île qui semble morphologiquement être un excellent abri ne l'est en fait pas du tout. D'où son nom...

Arrivée à Deception

Le soufflet de Neptune


Whaler's Bay est une grande baie avec des fonds variant entre 100 et 40 mètres. Trop profond pour mouiller pour nous. Nous nous approchons donc au plus près du bord pour jeter l'ancre dans 12 mètres de fond. Nous reculons pour voir si l'ancre accroche mais ce n'est pas le cas. Nous refaisons un tour pour essayer de trouver un peu moins de fond et avoir ainsi un peu plus de longueur pour étaler la chaîne dans une dizaine de mètres de fond avant qu'elle ne plonge dans 40 mètres. Re-belote, dès que nous reculons, l'ancre nous suit !!!

Whaler's Bay

Nous sommes fatigués et nous avons froid. Nous qui espérions nous reposer sur nos deux oreilles à l'arrivée, cela semble compromis. Nous reposons l'ancre une troisième fois, encore plus près du bord. C'est un peu risqué, il ne faudrait pas que le vent tourne ou nous serions cette fois, vraiment trop près du bord. Sachant que le fond ne tient pas, nous n'essayons même pas de faire accrocher l'ancre. A la place, nous espérons que c'est son poids qui retenir Brindacier. C'est pourquoi nous mettons toute la chaîne au fond en la prolongeant par du bout.
Ca a l'air de tenir dans ces petits 10 à 15 noeuds de vent. Nous n'avons pas le choix, il faudra faire avec. Tant pis pour la tranquilité d'esprit !!!

Nous sommes heureux et fiers d'être arrivés en Antarctique même si cette traversée est l'une des plus faciles que nous ayons faite jusqu'à présent. La mer était belle et la météo clémente de bout en bout. Seul le froid était inconfortable quoique tout à fait supportable. Nous sommes ravis et pressés de nous reposer un peu pour pouvoir profiter pleinement de ce bout du monde.

Arrivés en Antarctique !!!

 

31 janvier 2019 : Escale à l'île de Deception
Nous qui pensions découvrir un paysage couvert de neige, nous voilà bien surpris. Mais nous aurions dû nous y attendre car Deception est un volcan encore actif et le sol dégage de la chaleur limitant ainsi la tenue de la neige.
Malgré notre peu, très peu de confiance, dans la tenue du mouillage, nous gonflons l'annexe pour aller faire un tour à terre. En effet, du vent est annoncé pour demain et ce n'est pas à ce moment-là que nous pourrons laisser Brindacier sans personne à bord. Si nous voulons visiter l'ancienne station baleinière, c'est maintenant ou jamais et tant pis si nous sommes fatigués !!! Un peu de courage, la ballade en vaut sûrement la peine.

Nous nous équipons bien contre le froid qui finalement est tout à fait supportable. C'est juste comme au ski mais en permanence, c'est à dire sans pause le midi, ni le soir, ni la nuit, pour se réchauffer ... Sans rire, nous ne faisons pas les fanfarons mais c'est tout à fait acceptable.
Bref, c'est donc munis de plusieurs couches de polaires, doudounes, gants, mouffles et bonnets ainsi que du plan du site historique que nous allons à terre.
Ce lieu nous donne une sensation étrange de tristesse. Tout est dans les teintes marron, que ce soit le sol ou les ruines rouillées des anciennes cuves d'huile de baleine. Les vieux ossements de baleines ainsi que quelques tombes ayant échappées à la dernière irruption volcanique de 1969 ajoutent à cette désolation.

Le plan du site et des ossements de baleine

    

Des vestiges de l'ancienne station baleinière reconvertie ensuite en station britanique

    

    

C'est la seule escale possédant les vestiges d'une station baleinière où nous pensons nous arrêter et finalement, ce n'est peut-être pas plus mal comme ça. Laissant derrière nous les vieux bâtiments, nous montons au sommet d'un tertre qui nous permet d'apercevoir la deuxième baie de Deception. La station scientifique est visible de l'autre côté et le paysage est étonnant. Une grande plaine s'étent à nos pieds, balayée par un vent régulier. On se croirait sur Mars.

Vue sur Telefon Bay

La fatigue se faisant sentir et notre inquiétude sur la tenue du mouillage de Brindacier nous poussent à rentrer. Une fois à bord, nous remontons l'annexe dans le portique et nous mettons le poële en route. Enfin un peu de chaleur !!! Après avoir vécu pendant 5 jours dans un frigo, nous voici sous les Tropiques. Presque ... car 20°C sont devenus pour nous une chaleur incroyable ...
 

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028 - Janvier 2019