Du 23 mars au 8 mai 2019 : Navigation de Port Stanley (Iles Falklands) à Marie Galante (Antilles) (5666 milles)
Voici notre "longue route", notre traversée record en distance sans escale et bien sûr en durée.

Le 23 mars 2019, nous sommes deux bateaux à Port Stanley aux Falklands à valider ce créneau météo pour entamer la remontée de l'Atlantique. A couple de Brindacier, le voilier suèdois LIV (un Halberg Rassy 39) s'apprête également à quitter le ponton pour, de son côté, une navigation vers le Brésil.

Départ de Port Stanley

    

A bord de Brindacier, nous avons opté pour une remontée directe sur les Antilles. Sans escale. Nous préférons passer un peu plus de temps avec Camille (la soeur de Robin) et sa famille en Guadeloupe que de faire des escales sur le trajet. Et d'ailleurs nous n'avons plus tellement de temps avant d'envisager le retour en Métropole.
A cela s'ajoute le fait que les arrêts le long de la côte argentine ne sont pas recommandés (mauvais abris, fortes marées, grand plateau continental, peu de fond, ...).
Nous aurions pu envisager une escale en Uruguay (Montevideo) ou mieux encore au Brésil. Là, nous avions le choix mais la décision a été prise unanimement à bord : Sauf problème technique, nous visons droit sur la plage de Saint Louis à Marie Galante aux Antilles.

"Pourquoi Marie Galante ?" demanderez-vous.
Tout d'abord parce que le mouillage de St Louis est facile d'accès de jour comme de nuit, qu'il s'agit d'un fond de sable homogène en pente régulière et que, rappelons-le, nous n'avons plus de sondeur à bord.
Ensuite parce que ce mouillage est proche de la Guadeloupe où vit la famille de Robin et enfin parce que l'endroit est calme et que l'eau est belle pour se baigner après ces quelques mois dans le froid. Voilà pourquoi, notre objectif est Marie Galante (et nous n'avons même pas cité son rhum agricole ...).

Cette longue route entre Port Stanley et St Louis mesure, en théorie, 5666 milles nautiques soit un peu plus de 47 jours de navigation à 5 noeuds de moyenne. Elle traverse les latitudes australes, le tropique du Capricorne, l'équateur et son pot-au-noir et les latitudes tropicales de l'hémisphère Nord.

Du 23 mars au 31 mars 2019 : De 52°S à 35°S, les latitudes australes
Cette première partie de la navigation est bien-sûr la plus stressante et de loin.
Nous quittons Port Stanley qui se situe à environ 52° de latitude Sud et devons sortir rapidement des 50ème "hurlants" puis des 40ème "rugissants" afin de rejoindre des latitudes plus clémentes.

A notre départ de Port Stanley, nous croisons une grande flotille de bateaux de pêche chinois. Ils sont à la queue leu leu le long du plateau continental. Les poissons ont vraiment peu de chances d'y échapper. Une fois au bout du plateau, le pêcheur en tête revient au début de la file. Vraiment, quelle destruction de masse !!!
Par contre, rien à dire sur leur gentillesse pour nous éviter ...

La pêche industrielle ...

    

La météo nous permet de filer un bon train les premiers jours avec plus de 6 noeuds de moyenne pendant une semaine.
Nous naviguons entre le bon plein et le largue avec un vent apparent entre 13 et 24 noeuds. C'est agréable malgré le froid et nous atteignons ainsi rapidement la latitude 40°S.

Nous faisons quelques détours pour nous tenir éloignés au maximum des coups de vent et surtout des coups de mer qui frappent juste sous nos fesses.
La prise de météo quotidienne est un moment stressant car à chaque fois que l'on croit être hors de portée des dépressions, les fichiers Grib du jour montrent de nouveaux phénomènes pas très sympas qui se créent plus ou moins à proximité de nous.

Notre route est au Nord Est : cap au 45°. Pourquoi pas plein Nord ? Parce que d'une part, nous ne voulons pas coller à la côte argentine et d'autre part parce que nous devons contourner la corne du Brésil qui est très à l'est.
45° est le cap de la route orthodromique. Nos amis du voilier LIV sont restés plus proches de l'Amérique du Sud. Ils ont bénéficié du courant favorable des Falklands (qui pousse au Nord) et ont eu des vents plus portants.
En revanche ils ont subi de nombreux grains et orages avec rafales associées.

Sur notre route, nous avons été d'avantage épargnés. La BLU nous a permis de communiquer avec LIV et un radio-amateur des Falklands pendant plus de 2 semaines. C'était très agréable de pouvoir échanger quotidiennement sur nos conditions météo et de vie à bord.

Bien couvert en attendant que les températures remontent

A la limite Nord des 40ème sud, nous avons compris que notre route au Nord-Est ne nous éloignait pas suffissament vite des dépressions australes et que ces dernières impactaient encore sérieursement la zone jusqu'au 35° Sud.
Nous changeons alors de stratégie et faisons cap plein Nord.

Cette fois LIV est mieux positionné que nous car beaucoup plus haut sur la route. Le vent est léger mais complètement dans le nez alors nous faisons appel au moteur.
L'objectif est de monter sufffisament vite au Nord afin d'éviter la dépression qui se profile en dessous. Le vent n'est pas de la partie sur ce coup ! Il forcit et reste orienté pleine face.
C'est maintenant 15 bons noeuds dans le nez avec une mer courte que nous remontons pendant presque 3 jours. Ce n'est pas marrant et la vie n'est pas agréable à bord mais nous parvenons à éviter le coup de vent; l'objectif est atteint.

Au-revoir aux albatros, snifff ...

A la latitude de 35° S, nous arrêtons le moteur et les voiles sont renvoyées pour continuer à remonter mais cette fois au près bâbord amure. Les températures sont toujours fraîches mais remontent assez rapidement. Le premier hublot est ouvert le 31 mars !

Et vive la chaleur !!!

Du 1er au 10 avril 2019 : De 35°S à 20°S, les vents variables
Nous avons eu de bonnes conditions météorologiques dans ces latitudes réputées aux vents variables. La mer était belle à peu agitée voir quelques rares fois agitée.
Le vent ayant toujours une incidence Nord, nous imposait du près en permanence. Parfois arisé et sous trinquette, parfois toutes voiles dehors, nous avançons à 5 noeuds de moyenne.

Quelques manoeuvres de voile

Le 1er avril, Sandrine m'annonce que nous avons reçu par Iridium un mail de mon papa nous annonçant que ma petite soeur Florie avait gagné au loto et était à ce jour millionnaire. J'ai douté mais espéré. Finalement c'était bel et bien un poisson d'avril !!!

Dans cette zone les températures remontent franchement. Il fait maintenant bon, voir chaud dans le bateau. Les moufles, bottes, bonnets, écharppes et bouillottes sont rangés et les maillots de bain sont de nouveau sortis. Il faut dire que nous revoilà sous les tropiques le 10 avril !

Travaux d'entretien sous le soleil

    

Du 10 au 21 avril 2019 : De 20°S à l'équateur, les alizés de l'hémisphère Sud
Les alizés s'établissent petit à petit à partir du 20°S. Nous les attendions SE et ils sont plutôt ENE. Conclusion, nous sommes toujours au près.
Voilà mainteant un paquet de jours que nous gîtons mais la mer reste peu agitée et le vent modéré donc c'est supportable.

 Le 11 avril, lors du passage d'un grain, un saut de vent prononcé fait perdre la tête au régulateur d'allure et nous empannons involontairement.
Lors de l'empannge suivant pour revenir sur la bonne amure, la grand voile se déchire tout le long de la couture sous le 1er ris. Immédiatement nous arisons au 1er ris et ferlons la partie de voile décousue sous la bôme.
Après quelques minutes de réflexion, nous décidons de poursuivre ainsi. Il y a bord l'ancienne grand voile de Brindacier qui pourrait être une solution, sinon il y a le fil et l'aiguille. Mais nous abandonnons ces idées.

Notre GV est grande : 40m2 pour un 38 pieds. Naviguer avec un ris en permanence sera pénalisant dans les vents faibles de l'équateur mais pas tellement pour les alizés de l'hémisphère Nord. Nous continuons ainsi et ferons recoudre la voile en Guadeloupe.

Pâques : comment cet oeuf a-t-il pu arriver jusque-là ?!?

Du 22 au 27 avril 2019 : Equateur et pot-au-noir
Rien de surprenant dans cette zone où nous avons enchaîné les calmes et les grains. Les calmes sont longs et épuisants avec les voiles qui battent, le régulateur a du mal à tenir le cap (et encore que nous avons été bien surpris par ses performances dans le petit temps). Un peu de vent et quelques minutes plus tard, tout retombe.

Et puis, il y les sargasses, ces algues envahissantes qui gênent le régulateur d'allure en se prenant dans sa pale immergée. Quelle plaie !!! Et surtout, quelle marque tangible du dérèglement de l'écosystème !!!

Le calme plat et les sargasses ...

   

De beaux nuages à observer

    

Après toutes les heures de moteur effectuées dans le Sud, nous voulons tout de même garder un peu de gasoil à bord pour gérer éventuellement un incident et également pour assurer l'arrivée. Nous limitions donc au maximum l'utilisation du YANMAR.
Jour après jour nous avançons, doucement ... 3 noeuds ... Les grains sont toujours présents mais pas extrêmement violents.

Occupations à bord : mots croisés, cours d'espagnol, couture, cuisine, ...

    

    

Le passage de l'équateur se fait tout de même à la voile et de nuit. Lors du premier franchissement de cette ligne mythique (en 2017 entre Panama et les Galapagos), NEPTUNE était venu nous saluer à bord. Cette fois c'est THETYS (Titan de la mer) qui nous autorise à revenir dans l'hémisphère Nord. La tenue est superbe, il n'y a qu'à voir les photos. Merci Chef pour les informations précieuses sur la mythologie !!!

Thétis sur Brindacier

Du 28 avril au 8 mai 2019 : Les alizés de l'hémisphère Nord
Une fois sortis du pot-au-noir, nous touchons de bons alizés de NE.
La corne du Brésil étant contournée, notre route est maintenant une ligne directe vers Marie Galante avec un cap au 300.

Le vent est de retour, Brindacier allonge la foulée !!!

Les vents sont entre 15 et 20 noeuds au travers / largue. Notre GV condamnée à 1 ris ne nous pénalise pas du tout. Nous faisons des journées à quasiment 7 noeuds de moyenne.

Ouverture de quelques surprises de la boîte aux trésors

    

Nous avons très chaud à bord car les embruns nous empêchent d'ouvrir les hublots et comme nous n'avons plus de produits frais à bord, nous mangeons pas mal de plats à faire chauffer et cela augmente la température dans le carré.
Heureusement quelques douches dans le cockpit et quelques bons seaux d'eau mer nous rafraichissent à l'extérieur.

Doux rafraichissement

    

Manu et Marinella sont un couple d'amis rencontré en Polynésie. Ils s'occupent actuellement d'un bateau de charter aux antilles et vont repartir avec vers la métropole.
Nous aimerions vraiment les voir avant qu'ils ne repartent mais ils ont un timing serré et doivent lever l'ancre sans tarder. Pour optimiser nos chances de les voir nous essayons d'aller le plus vite possible.
Fait extrêmement rare, nous prenons la barre pour soulager le pilote quand nous sommes un tantinet surtoilés. Pendant nos quarts de 3h nous faisons un concours du "plus grand nombre de milles parcourus en 3h". Quelques pointes honorables à plus de 9 noeuds et des résultats de 23 milles en 3 heures fréquents ne suffiront pas à arriver à temps. Ils partent le 7 mai ...et nous, nous arrivons le 8 mai... après 47 jours de mer.

Toutes voiles dehors !!!

         

Mais l'anecdote amusante de l'arrivée est la suivante : alors que nous contournons Marie Galante par le Sud pour atteindre St Louis, nous essayons, à tout hasard, d'appeler Manu et Marinella par VHF sur le 16 au cas où ils seraient encore dans le coin.  Nous n'obtenons pas de réponse de leur part.

Qui va gagner le plus de milles en 3 heures ???

    

En revanche, nous entendons : "Brindacier, Brindacier pour Pat".
Alors là, nous sommes tout contents. Il s'agit de Pat, le bateau de Gilbert un ami de St Mandrier. Nous pensions qu'il était à Panama mais finalement il n'y sera que l'année prochaine. Pour l'insant, par pure coïncidence, il est au mouillage de St Louis à Marie Galante et nous invite pour le diner de ce soir ! Le repas d'arrivée ! GENIAL !!!

Une arrivée à Marie Galante digne du Vendée Globe (le nôtre ...)

Ainsi, à 19h45, sous un petit grain local, Brindacier est amarré à une bouée juste à côté du Pat. Et nous, allons dîner à bord avec Gilbert, heureux d'arriver après ces 47 jours de mer. Notre petite longue route...

 

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031 - Avril 2019